Selon des experts de chez Schroders, le déficit sur le marché pétrolier russe déjà existant pourrait s’accroître sensiblement cette année. Le flux de gaz de la Russie vers le Vieux continent pourrait être limité en cas de poursuite de la guerre en Ukraine. Quant à l’or, il devrait devenir la valeur refuge dans les années à venir.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une tragédie humaine. Ces conséquences se font sentir tant sur le plan humanitaire qu’économique. Des milliers de personnes quittent leur pays dans l’espoir de vivre une meilleure situation ailleurs. En Europe, faire ses courses coûte de plus en plus cher, tout comme remplir le réservoir de sa voiture. Chez nos voisins français, la barre symbolique n’est plus une chimère. Lundi matin, à la radio française Franceinfo, Michel-Edouard Leclerc, le président du comité stratégique des centres du même nom, affirmait que les prix des carburants pourraient continuer à croître entre 8 à 10 centimes le litre.

Au Luxembourg, les prix montent en flèche. Le prix du litre de diesel s’affiche à 1,7280 le litre, à 1,658 euros pour l’Eurosuper 95 et à 1,796 euros pour le 98. L’Excellium Diesel pointe à 1,858 euros tandis que son équivalent sans plomb, l’Excellium 98 a atteint les 1,796 euros. Interrogés par nos confrères du magazine économique Paperjam, Romain Hoffmann, président du Groupement pétrolier luxembourgeois assurait ne pas avoir vu une augmentation aussi important en 25 ans de carrière dans le secteur des carburants.

Et effectivement, la hausse ne devrait pas s’arrêter. A moins d’un miracle. Le prix du baril de Brent de la mer du Nord, variété de référence avec le WTI (West Texas Intermediate), a frôlé ce lundi les 140 dollars. Il était à un cheveux de son record de juillet 2008 (147,50 dollars). L’aggravation du conflit et l’arrête quasi-total des exportations de pétrole russe expliquent cette hausse. Selon Mark Lacey, responsable des matières premières chez Schroders, la Russie exporte 5,5 millions de barils de pétrole brut par jour, « dont plus de 3,5 millions sont destinés à l’Europe et le reste principalement à l’Asie ». Près de 1,2 millions de barils de produits pétroliers raffinés sont exportés vers le Vieux continent. En cas de prolongation des sanctions, les importations de pétrole pourraient être déplacées vers d’autres pays.

Moins d’exposition au gaz russe

Cependant, « il existait déjà un déficit sur le marché pétrolier et cela pourrait s’accroître sensiblement en 2022. Et cette situation aura des conséquences à plus long terme pour le secteur pétrolier et gazier russe. Les investissements et les financements occidentaux risquent de se tarir et les acheteurs dépendant du pétrole et du gaz russes réduiront considérablement cette exposition au cours de la période à venir », prévient M. Lacey.

Autre produit énergétique d’importance : le gaz. C’est une secret de polichinelle, une partie des exportations de gaz passe par l’Ukraine. Mark Lacey s’attend à ce que les flux du combustible fossile soient « les moins perturbés ». La Russie représente, selon lui, près de 35 % de toutes les importations de gaz. Le gazoduc Nord Stream 2 a été construit mais l’Allemagne a arrêté le processus d’approbation en raison des événements se déroulant en Ukraine. « Ces deux dernières années, les flux passant par le gazoduc ukrainien ont diminué, en partie parce que la Russie détourne le gaz par d’autres voies et en partie pour répondre à la propre croissance de sa demande », explique-t-il. Autrement dit, même en l’absence de nouvelles sanctions, « le flux de gaz de la Russie vers l’Europe restera probablement limité en cas de poursuite de la guerre en Ukraine ».

Lorsqu’on regarde à court terme, il ne semble pas y avoir de solution pour juguler les prix de l’énergie. Les États-Unis peuvent devenir un exportateur majeur de gaz naturel dans les années à venir.

L’étrange silence de l’OPEP

Mark Lacey se dit frappé par le silence de l’OPEP dans cette crise. Pour lui, l’Iran demeure un « joker ». Des négociations sont en cours concernant l’accord nucléaire avec l’Iran, ce qui permettrait à ce pays de vendre à nouveau du pétrole sur le marché international. En outre, « un certain nombre de projets seront lancés à la fin de cette année, ce qui pourrait apporter un certain soulagement sur les marchés pétroliers ». Une autre possibilité est que de nouvelles hausses de prix du pétrole et du gaz entraînent une récession et un déclin plus marqué de la demande.

Quid de l’or? Le cours du métal a bien résisté en janvier et au début février, malgré l’envolée des taux d’intérêt réels aux États-Unis qui pèsent sur le cours de l’or. Cela s’explique en partie par « le stress géopolitique de la crise ukrainienne, et il pourrait en résulter une hausse du cours de l’or en cas d’aggravation du conflit ou si les sanctions n’ont pas l’effet désiré », remarque James Luke, gestionnaire de fonds Métaux chez Schroders. Mais avant même que la situation ne dégénère, certains signes indiquaient que la demande institutionnelle d’or comme couverture commençait à devenir positive. M. Luke pense que cette situation perdurera jusqu’en 2022, quelle que soit l’évolution de la situation géopolitique. L’or se comportera bien en 2022. Bien que le conflit en Ukraine puisse favoriser de nouvelles hausses, il estime qu’avec peu d’autres options disponibles en guise de diversification des portefeuilles, l’or est en passe de devenir la valeur refuge ‘TINA’ (there is no alternative) dans les années à venir.  

Légende : Les sanctions entraînent une baisse de la demande de pétrole en provenance de Russie. (Photo : pexels)