Le jeudi 24 février 2022, le président russe Vladimir Poutine lance une invasion de l’Ukraine après avoir reconnu l’indépendance de territoires séparatistes du Donbass. Cette guerre a des conséquences sur l’économie. Voici les réponses de trois spécialistes.

Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’économie mondiale se trouve à un moment très dangereux. Le soutien des décideurs politiques du monde entier a permis à l’économie mondiale de sortir d’une récession provoquée par la pandémie de Covid-19. Alors que l’inflation galope, les économies doivent faire face à un défi géopolitique. La décision du président russe Vladimir Poutine d’attaquer son voisin l’Ukraine va, selon Andrea Siviero, Investment strategist chez Ethenea, non seulement « causer d’immenses dommages au peuple ukrainien et à l’économie urkainienne et pourrait déclencher un vaste conflit armé destructeur en Europe ». L’Allemagne a autorisé « la livraison à Kiev de 1.400 lance-roquettes antichar, de 500 missiles sol-air Stinger et neuf obusiers » d’après une dépêche de l’Agence France Presse (AFP). Cette décision constitue « un revirement politique de taille pour ce pays, dont la position officielle, depuis la Seconde Guerre mondiale, est de ne pas livrer d’armes « létales » dans les zones de conflit », dit encore le texte. L’invasion russe va considérablement augmenter les risques de « dégradation de l’économie mondiale », prévient le spécialiste.

De ce fait, quelles sont les principales conséquences de ce conflit ?

Olivier de Berranger, directeur général délégué et CIO de la Financière de l’Echiquier assure que les premières conséquences concernent les actifs russes. La Bourse de Moscou perd plus de 50 % depuis le début de l’année 2022 et le rouble est « en baisse de plus de 15 % ». La chute était plus vertigineuse ce lundi. La monnaie russe a dévissé de 40 % par rapport au dollar américain après l’imposition de nouvelles sanctions plus sévères contre la Russie. « Le rouble était indiqué en baisse de 27% à 114,33 roubles par dollar dans les échanges internationaux, selon Bloomberg News.  En conséquence, la cotation à la Bourse de Moscou est suspendue pour le marché des actions jusqu’à 15 heures locales ce lundi », indique une autre dépêche de l’Agence France Presse publiée ce lundi.

« Plus généralement, les conséquences économiques sont de natures inflationnistes : le choc observé sur les prix de l’énergie risque d’affecter la croissance mondiale », souligne le directeur général délégué.

D’après Didier Bouvignies, associé-gérant et directeur des gestions chez Rothschild&Co Asset Management « à ce stade, la conséquence la plus importante serait un ralentissement de la croissance, via une hausse de l’inflation liée à l’augmentation du prix de l’énergie ». L’envolée de 5% du prix du pétrole porte la hausse à 33% depuis le début de l’année alors que le gaz affiche, quant à lui, une hausse de 3% sur la journée, mais reste « deux fois inférieur à son niveau de décembre, tout en étant quatre fois plus élevé qu’il y a un an ».

Il est persuadé que cette situation pourrait peser sur le prix des intrants pour les industries et sur le pouvoir d’achat des ménages . « Néanmoins, alors que la croissance 2022 est estimée à 4%, ce nouveau paradigme ne serait pas de nature à casser une dynamique qui demeure robuste en raison d’un niveau d’épargne élevé (près de 10% du revenu disponible des ménages) et des stocks toujours relativement bas des entreprises ».

Quel est l’impact de cette crise sur l’énergie ?

Sur ce point particulier, Olivier de Berranger répond que les conséquences sur les prix de l’énergie au sein de la zone euro pourraient « donc être très importants ». Le gaz représente un quart des besoins énergétiques européens dont « 40 % proviennent de Russie », précise-t-il. L’Allemagne serait le pays le plus touché car le gaz russe représente 55 % des importations. Le Chancelier allemand Olaf Scholz avait annoncé la semaine dernière la suspension de l’autorisation du gazoduc Nord Stream 2 qui relie la Russie à la République fédérale. A propos des autres matières premières, CIO de la Financière de l’Echiquier informe que Rusal est le premier producteur d’aluminium hors Chine, que Norilsk produit par exemple 22% du nickel mondial, 44% du palladium, 15% du platine, etc. Beaucoup de minerais essentiels, notamment à la transition énergétique, aux chaînes de production de semi-conducteurs et donc à l’électrification, sont produits en Ukraine ou en Russie. « Des matières premières comme le blé, le titane ou l’acier sont également concernées. Ainsi, nombre d’entre elles ont-elles vu leur prix s’envoler jeudi (NDLR : jeudi 24 février), et cela pourrait paradoxalement peser sur le prix de la transition énergétique par exemple », prévient-il.

Dans ce contexte particulier, quelle est la réponse des banques centrales ?

Les banques centrales avaient amorcé un cycle de resserrement basé sur une inflation forte et un ralentissement de la croissance, deux piliers amplifiés par ces évènements. Les marchés envisagent un adoucissement du cycle de resserrement : des hausses de taux moins fortes et moins nombreuses. « La zone européenne, au contact direct du conflit, pourrait être particulièrement prudente, et la Banque Centrale Européenne revoir à la baisse ses ambitions de réduction de taille de bilan, de rachats d’actifs, et de hausses des taux », soutient Olivier de Berranger.

Face à une nouvelle hausse de l’inflation, cette fois-ci, les banques centrales pourraient être incitées à remettre en question «leur processus de resserrement monétaire, considérant que la hausse des matières premières exerce naturellement un effet récessif. « Bien évidemment, cette question restera bien plus prégnante pour la BCE que pour la Fed, en raison de l’impact limité de la situation sur l’économie américaine, de son autonomie énergétique et de la moindre conséquence sur les prix de ce conflit européen », souligne Didier Bouvignies, associé-gérant et directeur des gestions chez Rothschild&Co Asset Management.

Les conséquences sur les prix de l’énergie au sein de la zone euro pourraient « donc être très importants ». (photo : pexels)

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