Lors de la 16 édition de la Journée de l’Economie qui s’est déroulée ce lundi, François Heisbourg, le spécialiste des questions internationales franco-luxembourgeois a appelé le Grand-Duché à augmenter ses dépenses en matière de Défense militaire.

L’édition 2023 de la Journée de l’économie avait pour thème « the current geopolitical tsunami » – how can Luxembourg’s and Europe’s economies stay stable and secure? » (le tsunami géopolitique actuel » – comment les économies luxembourgeoise et européenne peuvent-elles rester stables et sûres ? en français ». Rien de mieux qu’un panel d’experts pour débattre de ce sujet ô combien d’actualité en ce moment. L’un d’entre eux appelé à prendre la parole était François Heisbourg, Senior adviser de l’International Institute for Strategic Studies. Le franco-luxembourgeois a démontré à quel point les changements géopolitiques ont un impact sur l’économie mondiale. Depuis la crise des subprimes en 2008, le monde a connu de nombreux changements. Il y a encore quelques années, la globalisation était « une force de l’économie globale », souligne-t-il. Après cette crise qui a bouleversé les banques, d’autres « phénomènes » sont apparus : la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (le Brexit), l’Europe qui renforce ses frontières extérieures face aux vagues de migrations et on le sait un peu moins, la décision de la Chine de construire un « pare-feu » technologique dans les années 2000. Cela a permis l’émergence de plateforme sur les réseaux sociaux comme TikTok.

La pandémie de Covid-19 a été le défi le plus important à relever pour les économies du monde entier. La Chine, pays où elle a démarré, l’a traité comme un problème intérieur, d’après François Heisbourg. Il mentionne un fait encore plus récent : le retour à l’idéologie. Avec les confinements, « les gens se sont mis à réfléchir », dit-il. Une vérité incontestable. « L’impérialisme est de retour », ajoute-t-il plus tard dans son raisonnement. Il cite le président russe Vladimir Poutine qui depuis la guerre en Ukraine a laissé croître son dessein de reconstruire l’empire soviétique. Pour le spécialiste, c’est sûr : « les nuances des années 1930 sont avec nous ».

Le « nouveau monde » a des caractéristiques bien précises. La première étant les armes. Avant le conflit en Ukraine, les pays ne faisaient pas la guerre aux uns et aux autres. Depuis, on a vu certains d’entre eux fournir des armes à l’Ukraine, sortant d’une certaine neutralité, c’est le cas de l’Allemagne, par exemple. « L’interdépendance est une source de conflit », souligne le spécialiste des questions internationales avant d’ajouter : « le dérisquage est le nom du nouveau jeu ».

« Le Sud n’est pas global »

Longtemps pratiqué, l’offshoring, est désormais passé de mode. Aujourd’hui, on mise sur le « friendshoring » (par exemple, les liens resserrés entre le Brésil et la Chine). Le troisième élément de ce nouveau paysage étant la « fragmentation » de l’économie. « La globalisation a cessé d’exister dans certaines parties du monde », annonce François Heisbourg. Durant la guerre froide, le monde se divisait en deux blocs : l’Ouest et l’Union Soviétique. Il y avait aussi les pays « non-alignés ». Ce schéma n’est plus d’actualité. De nos jours, l’Inde, le Brésil, le Vietnam et l’Indonésie sont des forces à part entière. « Le Sud n’est pas global même s’il appartient aux BRICS », déclare-t-il.

Vers où tout cela nous même? Pas dans un mur mais plutôt à renforcer la notion de sécurité. Elle est « la condition de notre société du futur ». Ce qui nous semblait acquis par le passé ne l’est plus à ce jour.

A propos du Luxembourg, le spécialiste assure que notre petit pays, membre fondateur de l’OTAN devrait augmenter ses dépenses en matière de défense militaire. Selon lui, le pays ne peut pas « continuer à dépenser 0,7% de son PIB dans la défense ». Il portera ses efforts à 1% en 2028, comme l’a annoncé le ministre de la Défense François Bausch lors d’une conférence de presse en juin 2022. Avant de conclure, le Senior adviser de l’International Institute for Strategic Studies a averti que le pays de Dicks devait mieux connaître ses partenaires et qu’il avait besoin de développer ses services de sécurité intérieure « avec force et profondeur ». Cela éviterait une autre affaire à l’image de celle concernant l’entreprise Spacety Luxembourg qui a été accusée d’avoir fourni des images satellite d’Ukraine à la milice russe Wagner. D’après lui, « le business n’est plus le business, c’est une affaire de stratégie ».