La récente crise bancaire sera vite oubliée selon Michael Blümke, Senior Portfolio Manager chez Ethenea. L’inflation reviendra au cœur des préoccupations.

La faillite de Silicon Valley Bank et Signature Bank, puis le rachat forcé de Credit Suisse par sa rivale UBS ont donné des sueurs froides au marché. Ces phénomènes isolés ont fait craindre une répétition de la crise bancaire de 2008. « Sans même consulter la presse quotidienne, il serait possible de savoir avec certitude, au travers des volatilités implicites des options négociées pour différentes classes d’actifs, si le marché anticipe une correction ordinaire ou une crise », remarque Michael Blümke, Senior Portfolio Manager chez Ethenea.

Il y a trois ans, en raison de la crise sanitaire, la volatilité des actions activait le mode « crise ». Aujourd’hui, « ce sont les attentes à l’égard des fluctuations des taux d’intérêt qui tiennent les investisseurs en haleine », souligne-t-il. Une telle volatilité des taux correspond à un indice VIX de 50 à 60 et donc à « un stress beaucoup plus important du marché actions ».

La stratégie future de lutte contre l’inflation et la gestion de la crise bancaire actuelle jouent un rôle déterminant. Après avoir connu, l’année dernière, le cycle de resserrement monétaire le plus rapide de ces dernières décennies dans le sillage de la restauration de la stabilité monétaire, nous avons assisté ces dernières semaines à la chute brutale des taux d’intérêt. La volatilité réalisée élevée a logiquement entraîné une volatilité attendue (implicite) élevée. Et maintenant, que nous réserve l’avenir ?

Une crise bancaire rapide

Pour le Senior Portfolio Manager, voilà à quoi ressemble le scénario qui se déroule sous nos yeux. Les récentes tensions dans le secteur bancaire pourraient aider les banques centrales à lutter contre l’inflation en durcissant les conditions de prêt et de crédit, notamment pour les petites banques. En d’autres termes  » le durcissement des conditions de financement compensera en partie les hausses de taux nécessaires pour ramener l’inflation vers l’objectif de 2 % de la Fed », assure-t-il.

Il ajoute que face aux tensions dans le secteur bancaire, « les marchés s’attendent à ce que la Fed ait moins besoin de relever les taux ». Non pas parce qu’il n’y aurait plus d’inflation, mais parce que le durcissement des conditions d’octroi de crédit s’en chargera entièrement ou en partie à sa place. « Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que les attentes des investisseurs à l’égard de la politique monétaire de la Fed et de la BCE aient radicalement changé », dit-il. Les anticipations se sont inversées en un temps record, passant de plusieurs hausses de taux à plusieurs baisses.

Michael Blümke pense que la crise des banques passera « relativement vite » et que l’attention se portera à nouveau sur l’inflation. Il estime que les conséquences de la crise actuelle sur l’économie réelle sont surévaluées.  » Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de risques idiosyncratiques qui peuvent perdre relativement vite de leur ampleur », formule-t-il. Les mesures prises par la Fed et le Trésor américain pour injecter des liquidités, apaiser le marché et surtout, restaurer la confiance, semblent « suffisantes ».

Un marché de l’emploi tendu

Les prêts accordés par les petites banques représentent environ 2 % du PIB, contre 3 % pour les grandes banques, tandis que la vaste majorité des crédits provient du marché financier et d’autres sources. Les crédits octroyés par les banques n’ont qu’une influence minime sur l’économie. « Si l’on regarde les données hebdomadaires des bilans bancaires, on constate également que l’activité de financement des banques avait commencé à ralentir l’année dernière, donc bien avant l’effondrement de Silicon Valley Bank et de Signature Bank », pointe le spécialiste.

La crise actuelle et l’exode des dépôts des petites banques au profit des grands établissements pourraient encore accélérer la diminution des crédits octroyés par les petites banques, mais la croissance du crédit au sein des grandes banques pourrait compenser en partie ce phénomène. Rien ne nous permet donc d’affirmer que les tensions dans le secteur bancaire et leurs répercussions sur l’activité de financement ralentiront la croissance dans une mesure qui équivaudrait à un ou plusieurs relèvements de taux.

En revanche, ce qui n’a pas changé, c’est le problème posé par l’inflation. Le marché de l’emploi reste tendu, l’excédent d’épargne accumulé par les ménages et les entreprises durant la pandémie est toujours là, tandis que la croissance des revenus et des dépenses semble se stabiliser bien au-delà du niveau qu’il faudrait pour que l’inflation se fixe aux environs de 2 %. Ces tensions doivent encore significativement s’alléger. Tant que le stress financier actuel n’entraîne pas de ralentissement brutal de l’activité économique, il sera difficile pour la Fed de passer à un cap moins restrictif, et encore plus d’abaisser les taux d’intérêt. Si les banques centrales parviennent à contenir les risques pour la stabilité financière comme prévu, le risque d’inflation pourrait prochainement se retourner contre elles (et le fera).