En décembre 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux d’intérêt directeur de 50 points de base pour atteindre un total de 250 points de base. Peut-elle et va encore le faire cette année? Volker Schmidt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea a imaginé trois scenarii. Celui d’un taux à 4% est le plus probable.
« Même si les hausses de taux d’intérêt de la BCE en décembre se sont déroulées en grande partie comme prévu, de nombreux participants du marché ont été surpris par les déclarations du Conseil des gouverneurs de la BCE : l’opinion selon laquelle les taux d’intérêt doivent encore augmenter de manière significative et à un rythme régulier a modifié les attentes concernant l’évolution des taux d’intérêt », indique Volker Schmidt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea. Bien que la BCE ait ralenti le rythme, cela ne signifie pas la fin prochaine des hausses de taux.
Scénario n°1 : un taux d’intérêt directeur de 4 %
« Il est certain que la banque centrale prévoit deux autres hausses de 50 points de base lors de ses réunions du premier trimestre 2023. Globalement, cela signifie qu’une valeur maximale de 4 % pour les taux d’intérêt de refinancement semble probable », explique M. Schmidt. D’après lui, il s’agit du scénario de taux d’intérêt le plus probable pour 2023, qui correspond à « un compromis entre la nécessité de freiner la demande, d’ancrer les anticipations d’inflation à un niveau bas et d’être prudent face à une hausse excessive des taux d’intérêt », dit-il. Les anticipations d’inflation à long terme telles qu’elles ressortent des enquêtes menées auprès des consommateurs et des prix des obligations indexées sur l’inflation, restent gérables à environ 3%, selon lui. Un découplage des anticipations inflationnistes est actuellement la principale préoccupation de la BCE, mais cela n’a guère d’influence sur certains facteurs, surtout l’explosion des coûts énergétiques, qui dépendent de la météo et des développements géopolitiques.
Scénario n°2 : un niveau de taux d’intérêt de 6%
L’inflation dans la zone euro devrait à nouveau dépasser 6 % en moyenne en 2023, un taux supérieur à celui des États-Unis. « Ce seul élément justifierait un niveau de taux d’intérêt de 6%. Cela signifierait également que les taux directeurs européens seraient supérieurs à ceux des États-Unis », éclaire l’expert d’Ethenea. « Pour lutter contre l’inflation à long terme, la politique des banques centrales devrait devenir nettement plus restrictive : les taux d’intérêt directeurs devraient être plus élevés que le taux d’inflation. Cependant, les vastes programmes de soutien gouvernementaux contrebalancent les mesures restrictives des banques centrales », ajoute-t-il.
Le Senior Portfolio Manager se réfère à une thèse du célèbre économiste français Olivier Blanchard : les programmes de soutien excessifs des administrations Trump et Biden ont fini par provoquer l’inflation actuelle. Les gouvernements d’Europe et de l’Union européenne commettent actuellement la même erreur et maintiendraient l’inflation à un niveau élevé ou l’alimenteraient davantage avec leurs dépenses prévues. En augmentant sensiblement les taux d’intérêt directeurs, la BCE pourrait rendre plus coûteux les emprunts nécessaires et en définitive les limiter. Le nombre d’emplois vacants, supérieur à la moyenne, ne diminuera qu’en cas de pression supplémentaire sur l’économie.
Scénario n°3 : thérapie de choc avec des taux d’intérêt élevés de 8%
Une autre option serait une thérapie de choc sous la forme d’une hausse des taux d’intérêt directeurs à 8 %, comme en Hongrie. « Cela pourrait se justifier par l’augmentation spectaculaire des actifs financier lors de la pandémie. Un choc est nécessaire pour vaincre l’inflation. Cependant, nous excluons une telle demande pour la BCE », pointe Volker Schmidt. Il continue : « nous partons actuellement du principe que le niveau absolu des taux directeurs est moins déterminant. La BCE ne peut réellement influencer qu’une partie de la forte hausse récente des prix. Elle peut augmenter directement le coût du crédit pour les entreprises, les consommateurs et l’État. »
Toutefois, les actifs financiers privés en particulier sont très élevés, de sorte que les consommateurs sont moins tributaires du crédit. « Et la BCE n’a aucune influence sur les niveaux des rivières en France ou les débats sur l’arrêt des centrales électriques, sur les boycotts et les restrictions d’approvisionnement ou d’achat de et contre la Russie. Au mieux, elle est actuellement passagère de l’évolution de l’inflation ou même simplement assise sur le siège arrière. » La banque centrale ne fait actuellement que le minimum pour maintenir les anticipations d’inflation à un niveau bas et elle est également dépendante des actions des autres.