La crise ukrainienne n’a pas que des conséquences sur l’équilibre de l’ordre mondial. Elle a une influence sur le prix des denrées alimentaires qui ne cesse d’augmenter depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février dernier. Felix Odey, gestionnaire du fonds Global Resource Equities chez Schroders est persuadé que le coût élevé des aliments devrait durer.

Vous l’avez sans doute remarqué en regardant votre ticket de courses. Votre chariot vous coûte plus cher. En juillet au Luxembourg, les prix des fruits et légumes frais ont augmenté de 4,8 % par rapport à juin. Il en est de même pour les céréales (+3,5%) et les produits laitiers (+1,8%). Du côté des fruits frais et du poisson frais, les prix reculent (respectivement -1,5 % et -1,3%). Sur un an, le coût des aliments a bondi de 7,9 %.

Malheureusement, le phénomène devrait durer selon Felix Odey, gestionnaire du fonds Global Resource Equities chez Schroders. La demande de certaines matières premières agricoles restera « soutenue » tandis que l’offre « sera restreinte cette année et l’année prochaine », écrivait-il à la fin du mois de juillet. Cette pénurie pourrait même s’accentuer en 2023 et au-delà. Des propos à nuancer car le 1er août dernier, l’Ukraine a repris ses exportations de céréales pour la première depuis le début de la guerre le 24 février. On ignore si ces exportations continueront vu que de violents combats ont eu lieu dans des zones agricoles cruciales. Des terres agricoles ont été ravagées et des équipements agricoles détruits. Une interruption des exportations de matière première en provenance de Russie et d’Ukraine aura d’après Felix Odey, « un impact sur les prix des autres produits de base ». Par conséquent, « cela réduira la probabilité que les agriculteurs se tournent vers la culture de céréales pour résoudre le problème de l’insuffisance de l’offre ».

Il faut garder en tête que la Russie et l’Ukraine sont deux grands exportateurs de denrées alimentaires et d’autres produits de base. L’huile de tournesol et les céréales (maïs, blé et orge) sont « les plus durement touchées ». La perturbation du marché des engrais est un autre facteur qui empêche de résoudre cette insuffisance de l’offre. Aux États-Unis, le coût des engrais est passé de 14 % des revenus en 2020 à près de 23 % en 2022. Les agriculteurs optent pour une quantité record de soja au détriment du blé de printemps et du maïs. « La demande d’engrais est plus faible, peut-être en raison d’un report, dans l’espoir que les prix retombent dans le courant de l’année », se demande le gestionnaire de fonds.

Une production mondiale de nourriture et d’eau en hausse en 2050

La perturbation des exportations de cultures et d’engrais pousse certains pays à prendre des mesure de protection de leur approvisionnement alimentaire. Cette dépendance varie mais peut atteindre jusqu’à 100 % dans certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. « En cas de resserrement du marché, l’offre devient plus dépendante des producteurs qui produisent en quantité relativement faible. Cela accroît le risque de volatilité des prix des denrées alimentaires en raison de conditions climatiques extrêmes », explique Felix Odey.

Cette crise ukrainienne a mis la sécurité alimentaire sur le devant de la scène. A court terme, elle sera probablement la priorité des gouvernements. L’augmentation des prix des engrais et d’autres perturbations signifient que les rendements agricoles mondiaux pourraient régresser cette année et l’année prochaine. Pour le spécialiste, il ne faut pas oublier la perspective à long terme. En raison de la croissance démographique, la production mondiale de nourriture et d’eau devra augmenter de 70 % d’ici 2050 par rapport à 2010. L’amélioration de la durabilité du système est essentielle.