La toute jeune entreprise installée à Luxembourg-Ville permet aux auteurs-compositeurs indépendants d’accéder aux droits d’auteurs, grâce à une plateforme qui facilite la collecte de leurs droits en ligne.
Pour les artistes et les auteurs-compositeurs, déclarer ses œuvres musicales peut s’apparenter à un véritable casse-tête. Surtout quand on a aucune connaissance en la matière. Heureusement, une solution existe : elle s’appelle Bridger. Lancée au début de l’année 2022, elle est « une société de collecte de droits d’auteurs sur les plateformes de streaming pour les auteurs-compositeurs indépendants », résume Jocelyn Seilles, le fondateur et directeur général. Ce dernier connaît très bien le sujet puisqu’il a managé des artistes et a co-écrit quelques chansons par le passé. Il s’agit d’un équivalent des sociétés de gestion classiques (par exemple SACEM Luxembourg ou SABAM en Belgique) avec un modèle nouveau qui s’appelle « l’entité de gestion indépendante ».
Ces nouveaux acteurs viennent concurrencer les sociétés classiques, habituées à un certain monopole depuis des années. « Le fait de ramener un nouveau type d’acteur permet d’aller ramener la gestion collective des droits d’auteurs à des personnes qui n’en avaient pas l’accès ». Autrement dit, les auteurs-compositeurs indépendants. Souvent, ces personnes ne s’affilient pas aux sociétés de gestion car elles n’ont pas connaissance de leur existence ni de leur rôle. Cette absence d’éducation est liée à la pratique de la distribution de la musique sur des plateformes comme Deezer ou Spotify, pour ne citer qu’elles. « C’est l’un des effets de la digitalisation. Il n’y a plus besoin aujourd’hui d’avoir un label, un studio d’enregistrement, ni d’un éditeur », affirme le créateur de la firme. Une grande partie des musiciens vont simplement envoyer leurs oeuvres sur les plateformes sans savoir qu’ils ont des droits à récupérer. Certains ne s’affilient pas aux sociétés de gestion aussi à cause du droit d’entrée. Payer une somme est « un frein pour ceux qui commencent », relate Jocelyn Seilles.

Jocelyn Seilles, le fondateur et directeur général de Bridger. (Photo : bridger)
Une réduction de la « black box »
Alors comment ça fonctionne ? Une fois qu’un auteur-compositeur s’abonne à ce service gratuit via la plateforme et enregistre ses œuvres, Bridger va collecter les droits d’usage générés par les services de streaming et les reverser aux auteurs. Ainsi, ils gagnent de l’argent et conservent 90 % des revenus générés. Des accords sont noués dans le monde entier. « Nos compositeurs sont à 60 % européens (NDLR : Suisse et Royaume-Uni inclus), 30 % d’Amérique du Nord et 10 % du reste du monde », détaille le directeur général. En tout, 500 auteurs-compositeurs en sont membres, ce qui représente tout de même… 30.000 œuvres !
Au mois d’octobre, la société a lancé un nouveau service : la déclaration simplifiée d’oeuvres collaboratives. Aujourd’hui, un morceau peut compter jusqu’à 10 auteurs. Toutes ces personnes ne sont pas forcément reconnues en tant que tel. Lorsqu’ils déclarent un œuvre sur le site de Bridger, les auteurs-compositeurs sont invités à indiquer si d’autres personnes y ont contribué. Si c’est le cas, ils renseigneront le nom des auteurs titulaires de droits, leurs coordonnées et proposeront un split (un pourcentage du partage des droits). Cette fonctionnalité n’a pas été mise en service au hasard. Chaque année, 655 millions de dollars de droits d’auteur générés sur les plateformes de streaming ne sont pas versés à leurs titulaires. Et pour deux raisons : soit les métadonnées liées au morceau sont mal renseignées ou inexistantes, soit les auteurs « ne font pas partie du circuit des auteurs », soutient Jocelyn Seilles. Cette « black box » de redevances non payées représente tous les ans entre 20 et 25 % des droits d’auteurs digitaux. Sur ce point, Bridger s’est fixé une mission : la réduire. Et pour cela, « on s’assure que l’ensemble des métadonnées soient bien renseignées », lors de l’enregistrement de l’oeuvre sur le site.