La hausse des prix ne réjouit personne. Elle est le synonyme d’une perte du pouvoir d’achats et de dépenses en plus qui pèseront sur le budget des ménages et des entreprises. Pourtant, dans certains cas, l’inflation pourrait faire émerger des avantages.

Au Luxembourg, sur les panneaux d’affichage des stations-services, les prix des carburants atteignent des records. Un litre de diesel vaut désormais 1,50 euros et celui du sans-plomb 98, 1,64 euros. Avec la hausse des prix des produits alimentaires et des autres produits énergétiques, le portefeuille des ménages est mis à rude épreuve. Qui est le coupable de cette situation ? L’inflation ! Cette perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par un accroissement général et durable des prix, selon l’institut de la statistique français (INSEE), a atteint les 4,1 % en décembre 2021.

Muriel Bouchet, Directeur de la Fondation Idea, le laboratoire d’idées de la Chambre de commerce tempère. « Quand on regarde les 4,1 %, si on neutralisait les produits énergétiques, on obtiendrait 2,3 % », d’inflation. Si la hausse des produits énergétiques devait durer alors l’inflation deviendrait « plus durable ». Chez nos voisins belges, elle a littéralement explosé. Selon les données de Statbel pour le mois de janvier 2022, elle est passée de 5,71% à 7,59%,  « soit son niveau le plus élevé depuis août 1983, mois durant lequel elle s’élevait à 7,90% », indique le site de l’institution. « L’inflation de l’énergie s’élève actuellement à 60,86% et contribue à hauteur de 4,97 points de pourcentage à l’inflation totale », est-il précisé.

Les 4,1 % luxembourgeois sont peu de choses à côté des chiffres enregistré outre-Quiévrain. Peut-on de ce fait parler d’une hyperinflation ? « On n’en est pas là », répond Muriel Bouchet. L’hyperinflation se caractérise par une inflation complètement hors de contrôle qui est très dommageable aux ménages modestes. Dans un tel contexte, déjà vécu il y a plus d’un siècle durant la République de Weimar, « les gens dépensaient leur argent le plus vite possible ». Pour l’économiste, c’est clair : « nous ne sommes pas dans une situation d’hyperinflation », ni de spirale inflationniste.

Pas de hausse des prix pour tout le monde

Alors à qui profite la situation ? A la dette publique ? « En principe oui », rétorque M.Bouchet. Dans le cas où nous avons une inflation « diffusée » dans tous les produits du panier de l’Index, « cela contribue à gonfler le PIB et à diminuer le poids de la dette ». Actuellement, nous avons une inflation basée sur les produits énergétiques. Elle « ne dilue pas tellement la dette ». D’après un communiqué récent du ministère des Finances, elle ne représentait que quelque 25 % du PIB à la fin de l’année 2021. Surtout, elle ne pèse pas autant que chez nos voisins. En France, à la fin du troisième trimestre 2021, la dette publique au sens de Maastricht s’établit à 2 834,3 Milliards d’euros, soit 116,3 % du PIB. En Belgique, elle devrait être de 112,5 %.

Et pour les entreprises ? « A priori, c’est très négatif », dit le Directeur de la Fondation Idea. L’indexation des salaires va « fatalement se rapprocher. Cela augmente le coût des imputs et des charges salariales ». A propos de conséquences positives, l’économiste parle de l’effet de revalorisation des stocks. Cependant, une fois de plus, il faut relativiser. Si une firme achète des produits énergétiques dont elle revend une petite partie, elle peut diminuer le poids de la dette. Encore une fois, c’est une situation marginale. Dans un marche très concurrentiel, il n’y a pas forcément une hausse des prix des produits. Avec une inflation basée sur les produits énergétiques, le chiffre d’affaire n’augmentera pas. En revanche, « si on a une entreprise dans un secteur peu concurrentiel, elle répercutera la hausse sur ses prix. Dans l’hypothèse où elle est endettée, le poids de la dette va baisser par rapport au chiffre d’affaire », explique-t-il. Le Grand-Duché étant une petite économie ouverte, toutes les sociétés ne pourront pas appliquer une augmentation des prix. Il y a quelques jours, le ministre de l’Economie Franz Fayot (LSAP) et son collègue de l’Energie Claude Turmes (déi Gréng) avaient adressé un courrier à la Commission européenne demandant une aide exceptionnelle pour les firmes particulièrement exposées aux augmentations des prix de l’électricité et du gaz.

Pas chute d’achats immobiliers

Qu’en est-il des ménages ? Vont-ils consommer plus ? Là encore tout dépend du caractère de l’inflation, c’est-à-dire si elle est durable ou s’il ne s’agit que d’un « feu follet ». Autre élément non négligeable : les ménages doivent être capables d’anticiper « en prévision d’une hausse des prix futurs ». Ils réfléchiraient à une stratégie de placement. La dernière enquête de conjoncture auprès des consommateurs menée par la Banque centrale du Luxembourg (BCL) indiquait qu’en janvier 2022, « les anticipations des ménages relatives à leur situation financière ont légèrement baissé tandis que leurs intentions en termes d’achats importants se sont à nouveau sensiblement dégradées ».

Qui dit achat important, dit immobilier. L’un des placements préférés des Luxembourgeois. A propos d’une hausse des taux d’intérêts des crédits hypothécaires, Muriel Bouchet dit ne pas s’attendre à « une chute des achats immobiliers ». « Nous n’allons pas vers une hausse spectaculaire, rien de susceptible de provoquer une forte baisse des achats immobiliers ». L’effet positif de l’inflation étant , par exemple, qu’un ménage qui a contracté un emprunt à taux fixe d’une durée de 25 ans ne verra pas sa mensualité changer. En revanche, son revenu va croître grâce au mécanisme de l’indexation des salaires. « Il va y gagner », souligne le directeur du Think-Tank. « Cela va diluer sa dette ». Pour les ménages à fort pouvoir d’achat, le budget carburant pèserait moins lourd que pour les ménages défavorisés. Afin de les aider à passer le cap, une intervention de l’État est la bienvenue. Le 19 novembre 2021, le gouvernement avait annoncé une augmentation de 200 euros de l’allocation de vie chère en 2022. Un montant non négligeable lorsqu’on est dans une situation financière difficile.

L’État pourrait aussi tirer son épingle du jeu dans une situation d’inflation élevée. Elle peut avoir un effet sur les recettes via la TVA. Des rentrées d’argent additionnelles importantes tout comme les cotisations sociales. Seulement voilà, chaque médaille a son revers. Par la même occasion, ses dépenses vont grimper car il faudra payer les hausses des salaires et des pensions des fonctionnaires en plus du chauffage et des prestations sociales. Affaire à suivre…

Vue surtout de manière négative, une haute inflation peut avoir des conséquences positives dans certains cas. (Photo : pexels)