Volker Schmidt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea se demande si les craintes d’inflation en général, ou même celles d’hyperinflation, sont réellement justifiées.

À l’observation du sentiment de marché, « nous voyons que les investisseurs anticipent pour le moins une hausse de l’inflation », dit Volker Schmidt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea. Récemment, les anticipations d’inflation du marché, représentées par le swap d’inflation à 5 ans (qui correspond aux anticipations moyennes d’inflation sur 5 ans dans 5 ans), a atteint un plus haut sur deux ans, tout comme les points morts d’inflation à 10 ans.

Il est vrai qu’une forte poussée des taux d’inflation aurait des conséquences dramatiques. Les bons du Trésor américain et près d’un tiers des obligations Investment Grade libellées en USD présentent déjà un rendement négatif déduction faite du taux d’inflation. Autrement dit, une part importante des entreprises est rémunérée en échange de la détention de sa dette.

Mais en même temps, les investisseurs s’exposent aussi à un plus grand risque. En effet, « si l’inflation venait à reprendre, les rendements remonteraient à leur tour sur le long terme », souligne le spécialiste. Il pense qu’une telle évolution serait « fatale aux détenteurs d’obligations, car les titres assortis de rendements faibles seraient alors voués à une forte dépréciation ». Les banques centrales s’emploient actuellement à éviter cette issue à l’aide d’une politique monétaire expansionniste, mais quelques voix commencent à s’élever pour remettre en question l’efficacité de ces mesures.

En 2020, l’inflation a progressé

Dans l’immédiat, plusieurs facteurs semblent effectivement présager une accélération des prix à la consommation, et ce principalement à cause d’une série d’effets techniques. Volker Schmidt cite entre autres, le repli des cours pétroliers en mars et avril 2020. Depuis, le prix du baril s’est redressé, mais « étant donné que le taux d’inflation s’exprime par l’évolution en pourcentage du niveau des prix sur un an, d’un point de vue purement arithmétique, cet « effet de base » devrait engendrer une nette poussée d’inflation », argumente-t-il.

Pour lui, l’inflation n’a pas progressé en 2020, bien au contraire. Outre la vitesse de circulation toujours faible de l’argent, ce phénomène tient à plusieurs tendances structurelles à l’œuvre depuis quelques années et appelées à générer des pressions déflationnistes dans un avenir proche.

Il se peut donc que d’importantes tensions inflationnistes apparaissent dans les prochains mois. Une hausse à court terme de 3 % des prix à la consommation nous paraît tout à fait envisageable, du moins aux États-Unis. Pour l’instant, les comportements de consommation sont encore contenus, mais avec le contrôle de la pandémie de coronavirus qui devrait advenir dans le courant de l’année, des effets de rattrapage pourraient engendrer des tensions sur les prix sous l’influence de la demande.

En Europe, à l’inverse, l’inflation devrait afficher une progression beaucoup plus modérée. L’appréciation de l’euro contre le dollar rendra les importations moins chères et pèsera donc sur l’inflation dans la zone euro.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de paniquer pour l’instant. D’une part, dans le cadre de sa stratégie de ciblage flexible d’un taux d’inflation moyen, le but explicitement recherché par la Réserve fédérale est un dépassement à court terme de l’objectif d’inflation, et ses taux ne seront pas relevés avant 2023. L’économie met du temps à se remettre de la crise du coronavirus, tandis que de puissantes tendances déflationnistes, comme la digitalisation et le vieillissement de la population, demeurent et ne feront probablement que se renforcer durant les années à venir.

Pour Volker Schmidt, l’inflation devrait afficher une progression beaucoup plus modérée en Europe. (Photo : ethenea)