Les ministres de l’Economie et des Finances des Vingt-Sept ont donné leur feu vert pour un plan de soutien de 540 milliards d’euros dans ce contexte de lutte contre le coronavirus. Ce feuilleton digne d’une mauvaise série B démontre que les pays membres de l’UE ont encore du chemin à faire en matière de solidarité lorsque le continent traverse une crise.

Enfin ! Après trois jours de négociations très difficiles, le jeudi 9 avril, les ministres de l’Économie et des Finances des Vingt-Sept ont trouvé un accord. En tout, 540 milliards d’euros de mesures et un fonds de sauvetage ont été approuvés. Seulement, on ignore encore quels seront les contours de ce dernier. D’après le journal français les Échos, cette réponse européenne se base sur trois axes : jusqu’à 240 milliards d’euros de prêts du fonds du Mécanisme européen de stabilité (MES), un fonds de garantie de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui permet de « déployer » jusqu’à 200 milliards d’euros pour les entreprises et jusqu’à 100 milliards pour soutenir le chômage partiel. Il ne reste plus qu’aux chefs d’État et de gouvernement de les approuver.

Il semblerait que « l’avancée la plus notable » ait porté sur le recours au Mécanisme européen de stabilité. Celui-ci était la solution préférée par les pays du nord dont l’Allemagne, grand adversaire des corona-bonds. Les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède et le Danemark faisaient barrage à l’activation de ce mécanisme en “conditionnant strictement les prêts que pourrait octroyer ce fonds de secours de la zone euro à des réformes économiques.”, selon RFI. Le texte final exige que, pour le recours au MES, l’argent débloqué soit utilisé “pour soutenir directement ou indirectement les systèmes de santé et de traitement en lien avec la crise du Covid-19”.

Cette réunion du 9 avril a, semble-t-il été beaucoup plus efficace que les précédentes. La toute première qui s’était déroulée dans la nuit du 7 au 8 avril avait duré 16 heures, sans aboutir sur un accord sur un paquet économique à mettre en place pour faire face à l’impact économique déjà visible du coronavirus.

Un outil pas si nouveau que ça

Certes, il y a eu des progrès. Cependant, les ministres de l’Economie et des Finances n’ont pas réussi à trouver une solution sur un point qui les divise de manière profonde : les « corona-bonds ».

Mais de quoi parle-t-on au juste? Il s’agit d’un grand emprunt mutualisé, une espèce de cagnotte dans laquelle les États viendraient puiser de l’argent dont ils auraient besoin. Ces obligations ont été évoquées en premier lieu par Christine Lagarde la patronne de la Banque centrale européenne. Elles garantiraient jusqu’à 1,5 billon d’euros, financeraient les actions des gouvernements qui veulent contenir le virus et permettraient la relance des économies de la zone euro.

L’idée de ce nouvel outil financier est soutenue par neuf pays : l’Espagne, l’Italie, la France, le Portugal, la Grèce, la Slovénie, l’Irlande, la Belgique et le Luxembourg. A la fin du mois de mars, lors des derniers conseils européens, ils ont soutenu que la zone euro devait plancher sur cet instrument et cela dans le but d’assurer une stabilité à long terme du financement des politiques nécessaires pour « compenser » les dommages causés par l’épidémie de COVID-19. Le chef du gouvernement italien Guiseppe Conte avait, d’ailleurs déclaré le lundi 6 avril au soir que « les eurobonds représentent une réponse sérieuse et adaptée » à la crise du coronavirus. L’idée d’euro-obligations n’est pas neuve puisqu’en 2010, l’ancien Premier ministre luxembourgeois et Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait relancé l’idée d’en créer. A l’époque, l’Allemagne avait rejeté l’idée.

Des conditions plus strictes inconcevables pour l’Italie et l’Espagne

Dans un entretien accordé à la chaîne américaine CNBC vendredi 3 avril, le ministre des Finances luxembourgeois Pierre Gramegna s’est dit favorable à l’utilisation de ces obligations afin que les États puisse se refinancer de manière plus aisée.

L’Autriche, les Pays-Bas et l’Allemagne sont les principaux opposants. Petit détail important : ils sont vertueux sur le plan budgétaire. Ils se plaignent du fait que leurs voisins du sud ne mettent pas en œuvre les réformes nécessaires lorsqu’ils connaissent une période de croissance économique plus solide. La chancelière allemande Angela Merkel s’est toujours opposée au principe de mutualisation des dettes.

Lors de la réunion du 7 et 8 avril, La Haye et Vienne ont réclamé des conditions plus strictes pour ces obligations d’état. Ils ont insisté pour inclure une « conditionnalité plus stricte attachée aux prêts pour les pays touchés par le coronavirus, durcissant la formule proposée par le fonds de sauvetage de la zone euro », souligne dans un article le site euractiv.com. L’Italie et l’Espagne, les pays les plus touchés par l’épidémie ont rejeté les conditions que les Pays-Bas voulaient imposer aux gouvernement, « cherchant à puiser dans le fonds de sauvetage de la zone euro », dit encore le site d’information européen.

Des bisbilles puériles

La France avait de son côté proposé une sorte de voie médiane avec la création d’un fonds européen, limité dans le temps, qui émettrait de la dette commune, limité aux services publics essentiels comme la santé ou encore les filières menacés. Dans le détail, les États pourraient emprunter jusqu’à 3% de leur PIB et « chacun rembourserait le fonds sur base de son niveau de richesse nationale », explique le journal économique luxembourgeois Paperjam.

Le coronavirus est plus grand défi auquel l’Europe a été confrontée depuis la Seconde Guerre Mondiale. Ces bisbilles qui semblent puériles, à côté du drame vécu par des millions de gens actuellement, montrent que les pays du nord et du sud sont incapables de se mettre d’accord pour sauver une Union européenne très fragilisée et menacée.

La réunion du 9 avril a été fructueuse, les ministres de l’Economie et des Finances des 27 ont réussi à trouver un accord, ce qui semblait impossible jusqu’alors. (Photo: pexels)