La hausse des tarifs des produits énergétiques met en difficulté les firmes actives sur le marché de l’énergie en Europe et fait grimper l’inflation.
« L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait exploser une nouvelle fois les coûts de l’énergie et de l’électricité en Europe, la Russie étant un important fournisseur de pétrole, de gaz et de charbon », affirme Volker Schmidt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea Independant Investors. Ces dernières semaines, les tarifs records des produits énergétiques ont donné des sueurs froides à la fois aux particuliers et aux entreprises.
Certains acteurs du marché européen de l’électricité ont maille à partir avec cette situation dont l’issue est encore aujourd’hui incertaine. Le producteur d’électricité Uniper en est un. Afin de se protéger des fluctuations du prix du marché, la société allemande utilise des contrats à terme et garantit déjà le prix de vente de la future production d’électricité. «Toutefois, l’augmentation spectaculaire des prix de l’électricité signifie qu’Uniper aurait pu obtenir des prix beaucoup plus élevés sans ces contrats à terme », indique le spécialiste.
Bien que les pertes subies sur les opérations de couverture soient partiellement compensées par des revenus plus élevés lorsque l’électricité est revendue par les acheteurs, il n’est pas très rassurant, selon Volker Schmidt, qu’une entreprise ait soudainement besoin de 10 milliards d’euros de garanties supplémentaires. Le risque majeur étant que ses clients lui fassent défaut et ne soient « finalement pas en mesure de payer les coûts élevés de l’électricité ».
Avec EDF, le problème est différent. Le gouvernement français a décidé de plafonner les prix de vente en raison de l’inflation élevée et de l’augmentation des prix de l’énergie. « Par conséquent, EDF prévoit une réduction de son EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) pour 2022 d’environ 10 milliards d’euros » soutient le gérant de portefeuille. Les trois principales agences de notation ont même déjà procédé à une révision à la baisse de la note de crédit », continue-t-il.
Faire preuve de prudence vis-à-vis des services publics
De son point de vue, une baisse des notations signifie des coûts de refinancement plus lourds, une capacité d’investissement moindre et des prix de l’électricité plus élevés. « Cette situation n’étant plus viable, nous nous attendons également à ce que l’État français, qui est non seulement l’actionnaire majoritaire d’EDF avec 80 % mais qui est également à l’origine des difficultés d’EDF par son intervention sur le marché pour lutter contre l’inflation, adoucisse les mesures », dit-il.
Des acteurs plus modestes du marché en Allemagne, en Angleterre et ailleurs ont déjà fait faillite. «Ils n’étaient pas en mesure de se prémunir contre les prix plus élevés des producteurs d’électricité », précise M. Schmidt. Selon lui, «cela démontre la nécessité de faire preuve de prudence vis-à-vis du secteur des services publics, qui a longtemps été considéré comme relativement stable ».
Le spécialiste relativise l’hypothèse selon laquelle les producteurs d’électricité, au vu des prix élevés actuels de l’électricité, bénéficient d’une position confortable : « Les derniers mois ont montré que la situation n’est pas évidente pour eux non plus. Les conséquences inattendues des opérations de couverture et de l’intervention des pouvoirs publics sont source d’incertitude ». Par ailleurs, l’isolement croissant de la Russie a des répercussions sur leurs opérations quotidiennes, car le nombre de contreparties en Russie avec lesquelles ils souhaitent – ou sont autorisés – à faire des affaires a considérablement diminué.
Face à cette situation, les banques centrales sont confrontées au dilemme d’une inflation qui augmente plus rapidement que prévu du fait des coûts de l’énergie, « ce qui se reflétera non seulement à la pompe à essence mais aussi dans tous les domaines de la vie à moyen terme, suite à l’augmentation du coût des chaînes d’approvisionnement », pointe-t-il. Les coûts énergétiques seront difficiles à contrer avec des hausses de taux d’intérêt, même si les banques centrales ont pour mandat d’empêcher l’inflation de devenir incontrôlable « , explique l’expert obligataire.