Les « non-fungible tokens » ont en ce moment le vent en poupe dans la sphère numérique. Encore méconnus du grand public, ils bouleversent le monde de la création et sont un investissement d’avenir qui demande quelques connaissances et un peu de prudence.

NFT. Trois lettres pour « non-fungible token ». Derrière cette expression se cache un objet unique qui n’est pas interchangeable. De manière plus précise, il s’agit d’un fichier numérique auquel est attaché un certificat d’authenticité. Ce jeton est stocké sur une blockchain, une technologie permettant de stocker et de transmettre des informations de manière transparente et sécurisée sans qu’un organe central de contrôle intervienne. Seul le fichier est fongible. Jil Haberstig, fondatrice de la toute jeune Luxembourg NFT Community donne sa définition : « Imaginez que vous possédez un billet d’un dollar et que quelqu’un le remplace par un autre, vous ne le remarqueriez pas ». Mais, « si vous possédez un billet de banque avec une peinture dessus, vous le remarqueriez si quelqu’un voulait le remplacer par un autre billet d’un dollar qui ne comporte pas cette peinture ».

Ces objets numériques rattachés aux jetons peuvent être une image, un fichier audio, une vidéo ou encore une œuvre d’art. Les plus célèbres étant les CryptoPunk, les CryptoKitties ou encore « Everyday: the first five thousand days », l’oeuvre de l’artiste Mike « Beeple » Winkelmann qui a été mise aux enchères et vendue à 69 346 250 $ par la maison Christie’s en 2021. 

Comme le dit Jil Haberstig : « tout actif numérique peut être un NFT ». Le tout premier d’entre eux a été créé le 3 mai 2014 par Kevin Mc Coy et Anil Dash lors de la conférence Seven on Seven au New Museum de New York. Ressemblant à un octogone, « Quantum » de son petit nom a été mis aux enchères par la maison Sotheby’s lors de la vente «Natively Digital : A Curated NFT Sale » qui s’est déroulée en juin 2021. Il a été acheté pour la coquette somme de 1,4 millions d’euros soit 1,18 millions d’euros par un collectionneur de jetons non fongibles surnommé « Sillytuna ».

De plus en plus accessible à tous

En 2021, selon un rapport de la société Chainanalysis, les utilisateurs ont envoyé au moins 44,2 milliards de dollars de crypto-monnaies à des contrats ERC-721 et ERC-1155. ERC-1155, les deux types de contrats Ethereum associés aux marchés et aux collections de les places de marché et les collectes NFT. Les plateformes d’échanges les plus populaires étant rarible.com et Opensea. Cette dernière a récemment subi une attaque de phishing et a perdu des millions de dollars.

Est-ce un produit réservé à des initiés ou au contraire accessible à tous ? Sur ce point, la fondatrice du groupe luxembourgeois répond : « D’une manière générale, les NFT ne sont absolument pas destinés à être réservés à un certain groupe de personnes. En ce qui concerne le modèle d’adoption de l’innovation, je pense que nous en sommes encore au tout début et que les NFT deviendront plus courants une fois que le marché se sera stabilisé. En outre, de mon point de vue, il est nécessaire que nous voyions beaucoup de cas d’utilisation différents pour les NFT qui prouvent la valeur de la technologie sous-jacente ». Torge Schwandt, fondateur de la société Noted constate de son côté que les jetons sont de « plus en plus accessibles » au quidam.

Encore faut-il qu’il sache comment le stocker et comment ne pas se faire avoir. Pour le stockage, pas de soucis. Le token prend sa place dans un portefeuille numérique. Concernant l’acquisition sécurisée, l’éducation est la clé. Torge Schwandt le pense. « Plus d’éducation est nécessaire pour comprendre le potentiel », souligne-t-il. D’après Jil Haberstig, « en ce moment, nous assistons à un phénomène appelé « rug pull », où les investisseurs ont déjà perdu beaucoup d’argent. Ce phénomène est très risqué et montre combien il est important d’être informé avant d’investir dans des NFT ».

Jil Haberstig est la fondatrice de la Luxembourg NFT Community. (Photo : dr)

Les NFT, un achat plaisir

Tommaso Cervellati, qui investit à titre privé, a décidé de se former « afin d’en savoir plus » avant de se lancer dans l’aventure. Cela passe par la lecture de blogs, de journaux en ligne et de participation à des discussions sur le sujet. « C’est très intéressant car il y a un écosystème » et des contacts avec les artistes qui déposent leurs œuvres sur les plateformes comme OpenSea. Le tout premier qu’il a acheté était un GIF représentant « un bonhomme avec une casquette McDonald ». Depuis, il possède entre 4 et 5 « collectibles », c’est-à-dire des objets à collectionner. Le dernier d’entre eux s’appelle « Loaded Lions ». « C’est une série de 10.000 NFT créés par le site crypto.com ». Ces 10.000 figurines de lion sont uniques, on peut les utiliser comme avatar sur les réseaux sociaux. Un produit à la mode. Ce qui est intéressant selon lui, c’est le fait d’être le membre d’une communauté dans laquelle on peut recevoir des cadeaux comme des remises sur des « drops ». « Il y a de plus en plus de projets NFT qui font ce type d’offres à leurs investisseurs », remarque-t-il.

A une personne qui se lance dans l’aventure, Tommaso conseille de faire des recherches avant d’acheter quoi que ce soit. « On peut avoir un NFT crée par des artistes reconnus et d’autres que l’on ne connaît pas. Il faut regarder ce qu’il y a derrière ». Si le projet est sérieux, à titre d’exemple. « Il faut acheter quelque chose qui plaît et qu’on pense qu’il aura un avenir ». Initié par des amis, Torge Schwandt a acheté son premier NFT artistique en janvier 2021. Avec son entreprise, il a participé au projet de vente du premier SMS de l’histoire sous forme de jeton non fongible. Ce dernier a été vendu aux enchères par l’opérateur téléphonique Vodafone sur la blockchain Ethereum, pour 107.000 euros le 21 décembre 2021. Les recettes de la vente ont été reversées à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

La communauté NFT ne connaît pas de frontières. Cependant, il en existe tout de même une au Grand-Duché. Selon Jil Haberstig, « l’idée est de rassembler les passionnés pour qu’ils apprennent les uns des autres et partagent leur expérience et c’est exactement ce que nous faisons. Nous échangeons des informations sur Discord et LinkedIn et nous organisons notre deuxième réunion en mars pour en savoir plus sur le marché. Je suis absolument reconnaissant pour cette communauté et son esprit incroyable », explique-t-elle. A ce jour, 220 personnes la compose. « Nous allons dans la bonne direction et le fait que nous nous soyons développés si rapidement me montre qu’il y a un intérêt à discuter de NFT et de son marché au Luxembourg et dans les environs », complète-t-elle.

Les NFT, ces certificats d’authenticité pour des objets numériques sont de plus en plus populaires et permettent à des artistes de se faire connaître. (Photo : pexels)