La poussée des prix observée récemment aux États-Unis ne serait pas un phénomène durable selon deux spécialistes.

Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère de forte inflation ? La question mérite d’être posée. En effet, aux États-Unis, de décembre 2020 à juin 2021, « la variation sur un an des prix à la consommation (hors énergie et alimentation) est passée de 1,6 à 4,5 % , un rythme inédit depuis trente ans », souligne Denis Ferrand, le directeur général de Rexecode dans un billet publié sur le blog de la Fondation Idea.

Il estime que « les craintes de  l’entrée prochaine dans une boucle inflationniste sont à tempérer ». Pourquoi ? Simplement parce que ce choc est propre au pays de l’Oncle Sam. Cette forte hausse des prix se limite à des produits bien particuliers : les moyens de transport. « 82 % de l’accélération sur venue lors des six derniers mois est expliquée par cinq produits ». A savoir : les voitures d’occasion, les véhicules neufs, la location de véhicules, l’assurance de ceux-ci et les billets d’avion. Ces derniers ne représentent « que » 11 % du panier de consommation des ménages. « Les salaires n’ont pas non plus réagi », écrit-il. « Si des pénuries de main d’œuvre se diffusent à de nombreux secteurs, le niveau de l’emploi reste en effet inférieur de 6 millions de personnes (-4,4 %) par rapport à son niveau pré-pandémie. La boucle prix-salaires reste invisible à ce stade », ajoute-t-il.

Ce « choc de prix » pourrait ressembler à « un pur prélèvement de pouvoir d’achat subi par les ménages américains ». Un prélèvement à replacer dans le contexte spécifique de la pandémie de Covid-19. En 2020, leur revenu réel s’est accru de 5,9 % alors que le PIB chutait de 3,5 %. Le creusement du déficit public américain est la contrepartie de cet écart.

Une poussée de fièvre en Allemagne

Bert Flossbach, co-fondateur de la société Flossbach von Storch pense que les effets observés s’atténueront dans les mois à venir. Cependant, « il existe toujours un risque que la poussée actuelle de l’inflation due aux goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement se poursuive un peu plus longtemps, ce qui augmenterait les anticipations d’inflation de la population et créerait une demande d’augmentations salariales plus importantes », affirme-t-il.

Bert Flossbach, co-fondateur de la société Flossbach von Storch. (Photo : dr)

Qu’en est-il en Europe ? Il semble que l’inflation ait connu une poussée de fièvre en Allemagne. « Les prix à la consommation ont augmenté de 2,5 % en glissement annuel en mai, soit la plus forte hausse depuis septembre 2011 ». Bien que les données sur l’inflation récemment publiées pour le mois de juin montrent une « légère diminution de l’inflation des prix à la consommation à 2,3 pour cent, il s’agit probablement d’une brève accalmie avant que les prix n’enregistrent un nouveau bond en juillet en raison du seul effet de la TVA », soutient Bert Flossbach. Des taux d’inflation supérieurs à trois pour cent sont très probables au cours du second semestre de l’année.

La République fédérale fait partie des pays de la zone euro où l’inflation est supérieure à la moyenne. « Compte tenu de la pénurie croissante de personnel qualifié, cela aura probablement aussi un effet sur les négociations salariales à venir ».

«  Le résultat d’une illusion de contrôle »

Avec 2,0 % en mai et 1,9 % en juin, l’inflation de la zone euro était presque exactement égale au taux cible de la Banque centrale européenne (BCE). « L’inflation de base, cependant, n’était que de 0,9 %, ce qui est bien inférieur au taux des États-Unis », note le co-fondateur de la société Flossbach von Storch. Pour l’instant, la BCE ne voit pas d’effets significatifs et s’attend à un taux d’inflation de 1,5 pour cent en 2022 et de 1,4 pour cent en 2023. « De telles prévisions précises doivent toutefois être considérées avec prudence. Elles sont soit le résultat d’une illusion de contrôle, soit utilisées intentionnellement pour signaler un faible risque d’inflation afin de justifier le maintien d’une politique monétaire ultra-libre », dit-il en guise de mise en garde. Pour le mois de juillet, Eurostat établissait le taux d’inflation annuel à 2,2 % pour la zone euro contre 1,9 % en juin. Au Luxembourg, il était de 3,3 %, en très légère baisse par rapport à juin (+ 3,4%).

Le « choc de prix » observé pourrait ressembler à  « un pur prélèvement de pouvoir d’achat » subi par les ménages américains . (Photo : pexels)

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