La Maison Blanche a révélé mercredi 2 avril les montants des droits de douane appliqués à chaque pays. Vingt-quatre heure plus tard, les réactions fusent. Tour d’horizon des avis émis par les gérants d’actifs sur le sujet.
« Les droits de douane exorbitants appliqués pays par pays constituent une « tactique de négociation » qui maintiendra les marchés sur le qui-vive dans un avenir prévisible, assure Adam Hetts, Global Head of Multi-Asset and Portfolio Manager chez Janus Henderson. Pour lui, cela signifie qu’il y a « une grande marge de manœuvre pour abaisser les droits de douane à partir de maintenant, même si une base de 10 % est en place ». L’administration Trump a fait preuve d’une « tolérance étonnamment élevée » à l’égard des difficultés du marché. Maintenant, la grande question est de savoir quelle est sa tolérance à l’égard de véritables difficultés économiques au fur et à mesure que les négociations se déroulent.
Kevin Thozet, membre du Comité d’Investissement chez Carmignac fait remarque que les fameux droits de douane touchent particulièrement les pays asiatiques (Taïwan, Japon, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Vietnam). Les pays d’Amérique latine le sont « beaucoup moins », puisqu’ils semblent figurer sur la liste des « bons acteurs ». Le président Trump a déclaré que ces droits de douane étaient dynamiques. « Ils seraient inévitablement abaissés à mesure que les pays reviendraient avec certaines concessions, abaissant leurs propres barrières tarifaires et non tarifaires sur les exportations américaines », dit-il. Puis, il ajoute que ce « nouveau choc » augmenterait le taux de droit moyen américain de plus de 18 %, le portant à 31 %. Un tel choc pourrait réduire le PIB américain de 1,5 % et faire grimper l’inflation sous-jacente de plus de 1 %. Il s’agit, d’après M.Thozet « d’une économie américaine qui flirte avec la récession cette année et une accélération de l’inflation ».
Chez Lombard Odier, Michael Strobaek, Global CIO, et Samy Chaar, Chief Economist et CIO Switzerland estiment pour leur part que les conséquences ne manqueront pas « d’entraîner un ralentissement de la croissance américaine et mondiale, ainsi qu’une hausse de l’inflation ». Ils continuent : « Nous pensons que l’économie américaine subira des dommages importants et que les risques de récession augmenteront ». Ces effets négatifs sur l’économie américaine pourraient être partiellement atténués par les réductions d’impôts prévues que les droits de douane sont censés financer, et par d’autres mesures telles que la déréglementation qui pourraient être annoncées dans les semaines à venir.
Des droits de douane « plus punitifs que prévu »
Selon Johanna Kyrklund, Group Chief Investment Officer chez Schroders, la première salve de Trump laisse présager des droits de douane « plus élevés que ce à quoi nous nous attendions ». Par conséquent, les prévisions économiques sont abaissées avec « une anticipation d’environ 1 % de croissance du PIB américain pour 2025 ». Cette situation conduit le gestionnaire d’actif à « »réduire notre poids dans les actions ». « Nous voyons de la valeur dans les obligations d’État comme une couverture contre le risque de récession pour la première fois dans ce cycle. Nous continuons d’apprécier l’or, qui bénéficie à la fois d’une croissance plus faible et du risque plus structurel posé par l’augmentation des niveaux d’endettement », commente-t-elle.
De son côté, l’économiste George Brown juge les droits de douane « plus punitifs que prévu ». « D’après nos calculs, les mesures prises par l’administration à ce jour augmenteront le taux effectif des droits de douane américains de 17,6 points de pourcentage supplémentaires pour atteindre 25,3 %. »Cela pourrait entraîner une hausse de l’inflation américaine de 2% et une baisse de la croissance de 0,9%. Plusieurs pays ont indiqué qu’ils prendraient des mesures de rétorsion, de sorte que le risque d’une augmentation des droits de douane demeure.
Pour la Réserve fédérale, l’impact « stagflationniste » des tarifs douaniers la place entre le marteau et l’enclume. « À court terme, nous pensons que la voie de la moindre résistance sera l’inertie, compte tenu de l’incertitude accrue quant à l’impact économique des droits de douane ».
Enfin Dr. Jan Viebig, Chief Investment Officer chez ODDO BHF Asset Management, annonce que les mesures sont à la fois « néfastes et risquées ». Pour deux raisons. La première étant qu’en augmentant unilatéralement les droits de douane, « les États-Unis abandonnent l’ordre commercial multilatéral. Ils risquent de déclencher une guerre commerciale avec leurs principaux partenaires commerciaux ». La seconde, compte tenu du niveau des droits de douane qui ont été décidés, Donald Trump crée des risques pour l’économie mondiale qui ne peuvent pas être évalués « de manière fiable dans la perspective actuelle ».
Les États-Unis eux-mêmes souffriront de la politique commerciale de Trump. L’augmentation des droits de douane rendra les produits importés plus chers aux États-Unis. Dans la mesure où ceux-ci ne pourront pas être remplacés par des produits américains, les prix à la consommation aux États-Unis augmenteront et le revenu disponible des citoyens américains diminuera en conséquence. Les droits de douane auront le même effet sur les ménages américains qu’une taxe supplémentaire sur la consommation. Cette nouvelle politique tarifaire affaiblira le dollar américain. Cela s’accompagnera de pertes de change pour les investisseurs étrangers qui achètent des actions ou des obligations américaines. En affaiblissant le dollar, Trump met en péril le financement du déficit budgétaire américain par les investisseurs étrangers.
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