Par Marc Palahí, Chief Nature Officer, Lombard Odier Investment Managers
Et si, au lieu de continuer à construire nos villes au détriment de la nature, du climat et de notre propre santé, nous pouvions transformer nos environnements urbains de manière à inspirer et à conduire la transition vers une nouvelle économie alimentée par la nature, qui contrebalance le changement climatique et renforce la biodiversité ?
En février 2025, l’école d’architecture de Yale a réuni des scientifiques, des penseurs et des décideurs internationaux de premier plan pour discuter d’un nouveau paradigme régénérateur permettant de réimaginer les villes du XXIe siècle. La conférence faisait suite à un récent rapport publié par SystemiQ, qui estime à 500-600 milliards d’euros les nouveaux revenus et emplois associés à la régénération urbaine en Europe, et à 400 milliards d’euros l’augmentation potentielle de la valeur des actifs urbains existants. Le rapport souligne qu’un mode de vie plus compact, soit une utilisation plus efficace et plus équilibrée de l’espace urbain, a eu un impact positif plus important que toute autre stratégie sur l’efficacité énergétique des villes et des pays et sur l’épuisement des ressources naturelles.
La régénération urbaine à grande échelle pourrait permettre d’économiser environ 45% des émissions annuelles de l’Europe dans le secteur de la construction en freinant l’étalement urbain, tout en permettant à une zone naturelle presque deux fois plus grande que le Luxembourg de repousser ou d’être sauvée de la destruction au cours de la prochaine décennie. Elle pourrait également avoir des effets positifs importants sur la qualité de l’air, en empêchant potentiellement l’émission de 13’000 tonnes de particules, soit l’équivalent de la pollution générée par 12 millions de voitures, et en freinant la dispersion des contaminants provenant des sites industriels pollués.
La biologisation – qui s’appuie sur des principes, des matériaux, des fonctions, des structures et des ressources biologiques et bio-inspirés de la nature vivante – pourrait être à l’origine de la transformation de nos environnements urbains. Les villes ont vu le jour parce qu’elles constituent le moyen le plus efficace de s’organiser et de créer un capital social et économique tout en minimisant les coûts d’infrastructure. D’un point de vue écologique, il en va de même pour les forêts.
Forêt, arbres et bois : des infrastructures stratégiques
Les forêts sont les villes de la nature, elles fonctionnent selon des écologies d’échelle, utilisant l’énergie solaire pour transformer le CO2 et l’eau afin de produire de l’énergie biochimique renouvelable qui peut être utilisée par de nombreux autres organismes vivants, tout en libérant de l’oxygène et en faisant recirculer l’eau. Les forêts constituent ainsi le système écologique terrestre le plus diversifié sur le plan structurel, ainsi que la source terrestre la plus importante d’oxygène, d’eau et de biodiversité, tout en étant le puits de carbone terrestre le plus important.
C’est dans ce contexte que les villes doivent être repensées selon des principes écologiques, des solutions basées sur la nature et des matériaux biologiques.
Les forêts urbaines, par exemple, peuvent purifier l’air, rafraîchir les environnements locaux et avoir un impact significatif sur la consommation d’énergie d’un bâtiment pour le refroidissement et le chauffage. Mais les arbres et les forêts ne sont pas les seuls à pouvoir devenir une infrastructure stratégique pour les villes de demain. Le bois, le matériau le plus polyvalent de la planète, est un matériau de construction renouvelable qui nous permet de transformer nos bâtiments et nos villes en infrastructures de stockage du carbone. Chaque mètre cube de produit d’ingénierie en bois stocke une tonne de CO2 et évite la production de plus de deux tonnes de CO2 par rapport à l’utilisation du béton. En outre, l’application de surfaces en bois à l’intérieur des bâtiments est un moyen de réduire le stress et de promouvoir la santé des occupants.

chez Lombard Odier Investment Managers
Régénération et transformation urbaines : une opportunité d’investissement
La régénération et la transformation des environnements urbains n’est pas seulement une nécessité climatique : c’est aussi une opportunité d’investissement significative. Bien que les économistes divergent sur les chiffres spécifiques, des études suggèrent que le besoin d’investissement mondial pourrait être proche de 5’000 milliards de dollars par an pour les seules infrastructures urbaines. Les gouvernements étant à bout de souffle, on s’attend à ce qu’une grande partie de ce financement doive faire appel à des sources privées de capitaux, ce qui offre aux investisseurs l’occasion d’introduire dans leur portefeuille un actif à faible volatilité et couvert contre l’inflation. Les projets d’infrastructure sont généralement conçus pour le long terme et devraient permettre aux investisseurs d’obtenir des rendements réguliers et prévisibles sur une longue période. Au-delà de cette faible volatilité, les projets d’infrastructure peuvent également jouer le rôle de diversificateurs stratégiques et anticycliques dans un portefeuille, en fournissant des rendements réguliers, prévisibles et décorrélés à un moment où la répartition traditionnelle 60/40 devient de plus en plus déséquilibrée.
Winston Churchill a dit un jour : « Nous façonnons nos bâtiments, puis ils nous façonnent ». Nous pourrions extrapoler cette idée au niveau des villes : nous façonnons nos villes, puis elles nous façonnent, ainsi que notre économie, notre façon de penser, de nous déplacer, de consommer, de même que notre santé et notre bien-être. Aujourd’hui, les villes sont emblématiques de la fracture entre les humains et le monde naturel, et réimaginer nos villes autour de la nature représente une transformation fondamentale pour créer une nouvelle économie alimentée par la nature, qui prospère en symbiose avec la nature, et non à ses dépens.
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