Dans L’Odyssée d’Abdoul, enquête sur le crime organisé paru aux éditions Les Pérégrines en août 2024, l’historienne de la mode Audrey Millet, raconte l’histoire d’Abdoul, un jeune migrant ivoirien victime de l’esclavage moderne dans l’industrie de la mode en Italie. A l’occasion de sa venue et de celle d’Abdoul à Luxembourg-Ville sur l’invitation de l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg, dans le cadre de la campagne « Rethink Your Clothes« , Ecorama Luxembourg a échangé avec l’auteure et le héros sur cet ouvrage qui décrit une sombre réalité.

Ecorama Luxembourg : Audrey Millet, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire le livre sur le parcours d’Abdoul ?

Audrey Millet : Je n’ai pas eu le choix, en réalité. Il m’a fait confiance. Mais c’est sans doute ce qui pousse à ce type d’investigation. C’est merveilleux de s’habiller, de pouvoir avoir une personnalité, de choisir ses vêtements. Mais cela ne mérite pas qu’on mette les gens en esclavage. Ça ne mérite pas qu’on ignore les droits humains. Je ne pensais pas que ce livre allait m’amener jusque-là. Je voulais en fait qu’il me parle juste des manufactures chinoises à Prato. Et puis, finalement, on a fini en Libye. Je ne m’y attendais pas du tout, quand même. Et je m’en serais bien passée.

E.L : Pourquoi ?

A.M : C’est une histoire difficile. Il est sorti de son cauchemar, avec ce livre. Moi, je suis rentrée dedans. Et il y a des choses qui sont tout à fait inadmissibles. Savoir qu’on met en esclavage les gens pour des sacs à main, c’est n’importe quoi. Quel est ce monde ? Savoir que des gens sont riches à milliards et qu’ils font leur fortune sur l’esclavage, c’est insupportable. Et les pays qu’il a traversés sont tout à fait insupportables. Sa trajectoire est jonchée de tous types de trafics : trafic sexuel, trafic d’êtres humains, trafic d’organes.

Malheureusement, les informations n’ont pas été très difficiles à trouver et à confronter avec le témoignage d’Abdoul. Les médias, les chercheurs, connaissent bien le problème du trafic d’organes. Il y a même des cliniques clandestines. Il y a cette fameuse clinique de l’horreur à Castelvolturno. Abdoul a seulement traversé la ville, sur le littoral occidental italien, à quelques kilomètres de Naples, mené par des « sauveurs » dont il ne sait pas qu’ils étaient des trafiquants d’êtres humains.

Il ne savait même pas qu’il y avait cette clinique. Et il y en a plusieurs, apparemment. Et celle-ci a fermé. Trafic de drogue. Éco-criminalité également, mais à côté du trafic d’organes, ça semble un peu léger. Notre rencontre est donc devenue une obligation littéraire.Et puis son histoire est extrêmement touchante. Son papa ne voulait pas qu’il aille dans le champ de cacao. Il lui a dit, apprends un métier, mon fils. Il a fait exactement ce qu’il fallait faire. Il a appris un métier et il est allé travailler à Ouagadougou au Burkina, un pays frontalier, pour pourvoir s’acheter le matériel afin de s’installer comme couturier à Abidjan, chez lui.. Il s’est retrouvé esclave à Gatrone, à Sabah, le tri des êtres humains y est systématique. Il sont une marchandise comme une autre et le fait d’être noir vous rend encore plus vulnérable. Le racisme est total à partir d’Agadez au Niger. En Libye, les noirs sont appelés « Ibeid » c’est-à-dire, mini-esclaves.

E.L : C’est horrible de constater ça.

A.M : Alors, on a tous conscience du racisme, mais on ne se rend pas compte à quel point. Même dans l’esclavage, ce sont les plus petits esclaves, leur mort ne vaut rien, ils ne valent rien.

E.L : Comment ça ?

A.M : Les Libyens considèrent les noirs comme des objets interchangeables grâce à la démographie galopante africaine. C’était le cas sous Kadafi et cela n’a pas changé. Jusqu’à Prato en Italie, à 20 km de Florence, une hiérarchie de la couleur de peau perdure. Dans les usines, les Wenzhou, une minorité chinoise qui a racheté les outils de production textile, paiera mieux un pakistanais, qui pourra être contremaître, qu’un noir, en bas de l’échelle. Pour une journée de 14h de travail, le 1er gagnera 50 euros, le 2eme 30.

E.L : Donc juste pour ça. C’est dingue. Je retourne vers vous, Abdoul. Et vous, qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter votre histoire ?

Abdoul : Je n’ai jamais eu l’envie de vouloir expliquer ce qui s’est passé un jour. Mais on va dire que c’est venu naturellement. J’ai croisé Audrey. C’est sur un passage piéton en Italie. En ce temps-là, ce n’était pas facile de voir quelqu’un en Italie qui parlait français.

Précisément à Prato. Donc moi, j’étais sur un passage piéton. J’ai vu Audrey parler français. J’étais tellement étonné. Donc je me suis approché d’elle. Je lui ai demandé : « vous parlez français ? ». La réponse était oui. On a échangé. Et après, elle a pris mon numéro. Trois mois plus tard on a commencé à s’appeler. J’ai parlé petit à petit et c’était parti. Et je pense qu’elle est bien placée pour expliquer.

A.M : Il m’a donné deux rendez-vous, deux fois il n’est pas venu. Il pouvait aussi se demander si j’étais journaliste, si j’étais policière. Quand je suis revenue en France, je l’ai recontacté trois mois après et il m’a répondu de suite. Et finalement, on a discuté en visio. J’ai vu que de temps en temps, il n’était pas très bien. Je pense qu’il a refait peut-être des cauchemars. Mais à un moment, je pense que je lui ai posé tellement de questions précises, qu’il en a eu marre. Il a décidé de tout me dire. C’est un peu ce que tu as expliqué tout à l’heure. Il a dit, voilà, il faut que j’y aille parce qu’elle me téléphone tous les deux jours. C’est un boulot de dingue. Il travaillait, rentrait tard, et nous avions rendez-vous pour qu’il raconte son histoire. Et on y allait. N’étant pas journaliste, mais historienne, je ne savais pas comment m’y prendre. Sa mémoire était tellement fragmentée, ses souvenirs évaporés, la chronologie des événements avait explosé également… j’ai donc écrit ce livre sur 4000 posts-its. Puis je les ai remis dans l’ordre de la chronologie, du trajet, d’Abidjan à Prato. C’est un travail fou mais c’était le meilleur moyen pour respecter la véritable histoire, remettre en place les événements, repérer les émotions spécifiques aux lieux.

E.L : Vous parlez du boulot de dingue. Mais quels sont les plus gros défis que vous avez rencontrés lors de la collecte de témoignages pour cette enquête ?

A.M : J’ai eu très peur de trahir Abdoul. J’ai eu peur que personne ne le croit. Et les recherches sur la mafia nigériane font froid dans le dos. Mais mon principal défi était de redonner la mémoire à Abdoul, son histoire juste.

Il n’est pas très fort en chronologie. Les dates, ce n’est pas son truc. Retrouver le mois, la saison, c’était un travail de fourmi. C’est même un membre de sa famille qui a retrouvé le mois de son départ. Ce livre ne pouvait pas être écrit avec l’écriture aseptisé de l’historien. Il en a en revanche tout le monde opératoire, mais il fallait donner de la vie à Abdoul, incarner. Je suis donc montée dans son sac à dos tout le long du trajet pour analyser, comprendre, sentir l’environnement. Avec lui, à Ouagadougou, dans le désert. Sur le bateau. C’était de lui rendre. Qu’on voit Abdoul, qu’on ne voit pas juste les camps de concentration. Abdoul existe. Ce n’est pas un noir de plus. Et il l’a fait pour tous les Abdouls et les Abdoulettes.

E.L : Je reviens à vous, Abdoul. Votre histoire a été transformée en livre. Est-ce que cela vous aide à vivre aujourd’hui ?

A : Oui, bien sûr. Parce qu’à un moment donné, je n’avais plus le goût à la vie. J’étais devenu triste. J’étais devenu quelqu’un de très isolé. Je ne voulais plus croiser quelqu’un. En fait, des choses me passaient toujours dans la tête. Des personnes que j’ai vues, des choses que j’ai racontées. Je ne voulais plus collaborer parce que je n’avais pas confiance Avec tout ce qui m’était arrivé. Moi, je ne voulais pas venir en Europe. J’ai appris un métier grâce à mon papa. Donc, après avoir appris mon métier, j’ai voulu installer ma boutique de couturier dans mon pays. Comme tout le monde.

Après avoir appris mon métier, il fallait m’installer pour travailler. Une chose que je n’ai pas eu la chance de faire car le fil, les aiguilles, le tissu, la table, les ciseaux, la machine à coudre – tout ceci a un coût. Mon papa n’avait pas les moyens de m’aider. Donc, j’ai voulu travailler. Vraiment pour le faire. J’ai commencé aussi à me renseigner auprès des gens. Et c’est comme ça que je ne me suis retrouvé pris au piège. Et voilà. Par des personnes qui m’ont fait rêver et qui m’ont promis du travail de couturier, pour pouvoir financier mon installation. Ce n’était pas vrai. Donc, à partir de ce moment, je me suis retrouvé dans un pays qui n’était pas le mien. Je me suis retrouvé avec des personnes qui n’étaient pas vraiment gentilles.

A.M : Abdoul, maintenant, sourit. Avant, il ne souriait pas. Et il va boire des cafés avec les Italiens. Il m’envoie des photos et il me fait des selfies. Ça veut dire qu’il sort de chez lui. Nous allons ensemble au restaurant, au musée, et lorsque je suis en France, il retourne dans ces restaurants et dans les musées. Il a changé les mauvais souvenirs de Prato. Parce qu’il a quand même dormi dans la rue. En fait, on a recréé ensemble la place du Dôme. C’est aussi la place où il a rencontré Geneviève, Directrice de Fairtrade Lëtzebuerg qui nous a invité et tellement bien accueilli, pour la première fois. Ce n’est plus seulement cette place où tout le monde deale.

E.L Vous l’avez transformée en quelque chose de très positif.

A.M: Oui, parce qu’arriver à un moment, il fallait que je fasse un choix. J’en avais deux. Je pouvais rester dans mon coin. Et il va y avoir d’autres Abdouls. Parce qu’il y a plein d’Abdouls qui sont au fond de l’eau, au fond de la Méditerranée. Il y a plein d’Abdouls qui sont morts. Il y a plein d’Abdouls qui continuent de mourir dans le désert. Si je suis le seul Abdoul qui s’en est sorti, je dirais grâce à la discipline que mon père m’a enseignée. Pourquoi ne pas avoir la force de dire la vérité, de dénoncer ? Peut-être que je peux sauver des vies. Donc j’ai dû transformer ces moments horribles en quelque chose de positif. Je veux sauver des vies.

E.L : Pour les lecteurs du site Ecorama Luxembourg, je voudrais que vous m’expliquiez Audrey Millet, comment collaborent les mafias principales, les mafias nigérianes, chinoises et italiennes, au sein de l’industrie textile à Prato.

A.M : Ils se partagent le gâteau. Les chinois utilisent de la main-d’œuvre esclave pour faire des vêtements. Donc ça, ce sont les Wenzhou. La Camorra trafique les déchets, notamment textiles, et la drogue, notamment la kétamine, qui permet aux ouvriers de tenir 14 heures par jour. Abdoul ne s’est jamais drogué. La Ndrangheta fait aussi de la drogue, mais elle loue l’immobilier aux chinois. Et la mafia nigériane, en fait, a ramené les gens jusqu’en Italie. Donc ça, c’est le trafic d’êtres humains, et très important, le trafic sexuel.

E.L : Il y a une scène, ça m’a choqué, une petite fille qui était dans un camion, et les gens la cherchaient partout. Et en fait, ils ont retrouvé son corps. Après, j’étais horrifiée.

A.M : Quand Abdoul me l’a dit, ce n’est pas rentré dans ma tête. J’ai été obligée de l’avoir à côté de moi, et d’un ami. On était à Prato, et je lui dis « mais Abdoul, la petite fille a été violée ? ». Et Abdoul, il me fait… « Ben oui ». ll me l’avait dit, mais j’ai refusé l’information, en fait, pendant six mois. Lorsque j’ai décidé d’écrire ce livre, je me suis promis de tout écrire, aucune rétention d’informations. C’est la première scène que j’ai écrite. Parce que je voulais m’en débarrasser. Je pensais que c’était le pire. A. Sur ce chemin je vais dire ça comme ça. Ils adorent les petites filles. Et puis, ils ne sont pas humains. C’est pour ça que, quand j’ai dit que j’étais méfiant. Je suis né en Côte d’Ivoire, j’ai grandi là-bas. J’ai vécu la guerre lorsque j’y étais. Mais voir des personnes qui te regardent… Ils peuvent te tuer sans avoir de remords. Au début, ils sont gentils, ils te montrent de beaux, qu’ils veulent t’aider. Mais ce sont tous des trafiquants. Et une fois que t’es pris au piège, ils sont prêts à te tuer pour obtenir ce qu’ils veulent. Ils avaient une manière d’appeler les Africains en Libye « les diamants noirs ». Quand ils ont quelques Africains dans la main, ils disaient qu’ils ont eu « les diamants noirs ». On ne comprenait rien. Pourquoi on les appelait comme ça ? Parce qu’on valait de l’argent, vendable, achetable, revendable… l’argent de l’esclavage.

E.L : Justement, quel message vous souhaitez transmettre aux citoyens qui sont aussi des consommateurs et qui achètent des vêtements sans savoir quel est l’impact sur les travailleurs exploités ?

A. : Comme j’ai toujours dit, j’ai envie de sauver des vies. J’ai envie de sauver des personnes. Parce que, des gens se permettent de faire n’importe quoi. Il y en a qui vendent de la drogue, mentent à leurs parents, volent pour acheter des vêtements ou toutes ces choses futiles qui n’en valent pas la peine en réalité. Il y a trop de choses qui se passent derrière. Des gens versent le sang chaque jour sur des machines et ne gagnent même pas de quoi il faut pour vivre. Parce que, juste, ils sont Africains, ils sont Pakistanais, ce sont des gens qui vivent dans la société mais qui n’existent pas. Donc,il y a mieux à faire. Il faut qu’on se mette ensemble pour sauver le monde. Si on ne fait rien, tout va s’aggraver. Mais j’ai l’impression qu’on a déjà bien commencé.

E.L : Audrey Millet, est-ce que vous avez des solutions à proposer pour lutter contre l’exploitation humaine dans le secteur textile ? Après avoir enquêté, après avoir vécu, on a l’impression que vous avez vécu ça dans votre chair.

A.M : Il faut que l’État reprenne sa souveraineté. Absolument. Que la politique reprenne le dessus sur l’économie. Il faut absolument interdire la sous-traitance. Tout le monde doit avoir ses usines propres et faire travailler les gens. Ou il doit y avoir des obligations véritables pour les entreprises : pas seulement une vigilance. Et des punitions à la hauteur des dividendes.

Ensuite, on a une solution qui est un petit peu plus compliquée. C’est qu’en fait, un iPhone, je ne sais pas, c’est 1 200 euros. Et une vierge, en Libye, c’est 300 euros. Ça veut dire qu’en fait, on ne vaut rien. Toutes ces vies humaines ne valent rien. On ne donne pas d’armes et on ne donne pas d’argent à un pays comme la Libye. Pourtant c’est ce que fait l’Europe : elle finance ce pays où l’esclavage pullule pour défendre son beau continent déjà pourri par l’esclavage. Et il faut que le consommateur lise des livres, par exemple. Alors, 20 euros, je sais, c’est terriblement cher. La Culture devrait être plus accessible financièrement que les vêtements. Et en fait, le consommateur est dans cette accumulation. C’est-à-dire qu’ il ne sait absolument plus ce que c’est le bonheur.

Le bonheur, c’est d’être ensemble. Le bonheur, c’est de bien manger. C’est une bonne assiette. Ça, c’est magnifique. Et ce n’est pas accumuler au moins cher. Le consommateur, ne comprend pas, que moins, on respecte les travailleurs, les ouvriers, en Afrique, en Asie, en Italie… cela lui retombera dessus. Eux ils sont prêts à accepter des conditions de travail terribles, les salaires baissent, les lois ne sont pas respectées. Se battre pour eux, c’est nous battre pour nous. Parce que pour l’instant, le gouvernement, finalement, accepte que tous ces produits toxiques, qualitativement minables, pour le moindre coût. Pourquoi ? Pour satisfaire le consommateur, s’il ne peut plus acheter. S’il n’a plus d’argent pour acheter. Qu’est-ce qui se passe quand les gens n’ont plus d’argent pour acheter ? Ils font la révolution. Ça passe également par la nourriture.

E.L : Ce qu’on dit, c’est toujours la même chose. Du pain et des jeux.

A.M : C’est exactement ça. C’est le dernier amusement que vous pouvez avoir. Une fringue toute pourrie, faite dans des conditions d’esclavage coûte 4 euros. Et un livre, ça vaut 20 euros. Ce n’est pas normal. Mais c’est mieux pour un gouvernement d’avoir des consommateurs plutôt que des lecteurs de programmes politiques.

E.L : C’est facilement manipulable.

A.M : Voilà. C’est le bonheur. Le bonheur de l’instant. A la fois, les États sont responsables mais la servitude volontaire existe aussi, le consommateur se passe très bien des détails du quotidien pour se concentrer sur un t-shirt vert menthe.

Vous voyez toutes ces applications. Les magasins ferment. Parce qu’on achète sur Internet. Et finalement, vous vous retrouvez avec votre téléphone au lit. Pour acheter sur Vinted. J’achète sur Vinted aussi. Pour acheter sur des plateformes. Mais le lit, soit c’est fait pour faire l’amour, une sieste. Dans votre lit, et votre esprit juste avant de dormir, il y a un Wenzhou, un chinois, un trafiquant d’êtres humains. Il s’est invité, vous l’avez accepté, à cause de ce téléphone à 1 200 euros.

E.L : Ça se voit aussi que les priorités ont changé avec les années. Ils ont totalement changé. En fait, c’est hallucinant de dépenser 1 200, voire 1 500 euros pour un appareil qui terminera sa vie dans une benne.

A.M : Mais c’est un salaire ! (NDLR : elle désigne Abdoul). C’est honteux. Moi j’entends des trucs pareils. En fait, je pense toujours à mon loyer étudiant. Je n’ai rien contre les petits plaisirs, au contraire, mais 2000 euros ce n’est pas un « petit » plaisir. Il faut conserver les échelles de prix des produits, ceux de base, comme les denrées, les loyers… et se demander où va le monde.

E.L : Abdoul, vous avez vécu des situations extrêmement difficiles. Quels espoirs développez-vous pour l’avenir ?

A.Je n’ai pas envie d’être triste. Je n’ai pas envie de faire pitié. Mais j’ai envie de travailler et avancer. Je n’ai pas envie d’oublier tout ce que j’ai vécu. Mais je n’ai pas envie de vivre dans ça pour toujours. Je vais quand même me battre pour donner une vie meilleure à mes enfants. Je vais donner la chance à mes enfants d’aller à l’école, ce que moi je n’ai pas eu. Je pense que c’est l’une des meilleures choses que la nature va me donner.

E.L : C’est une question pour tous les deux. Que souhaitez-vous que le livre change dans les mentalités ? C’est peut-être un peu naïf comme question.

A.M : Non, ce n’est pas naïf. On l’a écrit pour ça, en fait. Je voudrais que les gens se regardent en face, franchement. Les états. Je voudrais que les états se regardent en face, en fait. Je ne compte pas sur les gens. Je voudrais que les états se regardent en face. C’est le rôle de l’État d’accompagner ses citoyens et de faire respecter les lois. En fait, j’ai eu honte. Moi, depuis, j’achète plus.

E.L : Pourquoi vous avez eu honte ?

A.M : Je ne veux pas traiter des gens comme ça. Moi, en plus, je suis historienne. Il y a eu 1789. Il y a eu la déclaration des droits de l’homme. L’ONU. Les Nations Unies. L’organisation mondiale du commerce passe toujours avant les droits humains. Avant même l’organisation mondiale de la santé. Le commerce. Qui est ce monsieur ? Il n’existe pas, lui. Et ça me fait honte. Attention. Moi, j’aimerais bien avoir un joli appartement, il n’y a pas de problème. Mais on ne peut pas faire passer ces trucs matériels avant les gens quand même. Eh bien si, c’est comme ça que ça se passe en 2025. Tout est basé sur la consommation. Le capitalisme se mange lui-même.

E.L : Et vous Abdoul, que souhaitez-vous que le livre change dans les mentalités ?

A. : Je veux que les gens voient le monde d’une autre manière parce qu’il y a des gens qui ne croient pas à des choses vraiment que les autres vivent. J’ai vu des choses, j’ai vécu des choses donc moi, je sauver des gens, je veux sauver des esprits, passer des messages et essayer de tout avouer. Il y a plein de gens qui n’ont pas eu la chance d’avertir les gens dans tout ce qui se passe dans le monde. J’aimerais sauver des vies. On ne peut pas changer le monde, mais on peut faire ce qu’on peut quand même.


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