Troisième et dernière partie de notre entretien avec Téo Verchère le co-fondateur de L’Evènement qui parle des sections jeunes des partis politiques, de l’avenir de son média qui passe par la création d’une antenne à l’Université de Luxembourg et des langues dans notre pays.
E.L: Quand vous faites des interviews avec les femmes et les hommes politiques de notre pays, qu’est-ce qui les dérange le plus ?
T.V : C’est une bonne question. Le compliment que je pourrais leur faire déjà, c’est qu’ils acceptent en général tous les entretiens. Une prime moins importante pour le gouvernement. Je ne sais pas si c’est une question d’emploi du temps, mais c’est aussi potentiellement, parce que quand on est au gouvernement, c’est toujours un risque.
Ce que nous avons essayé de faire et qui n’a malheureusement pas assez abouti, c’est qu’on a essayé d’organiser des débats entre politiques, et là, c’était la ligne rouge. Je dirais que la confrontation d’idées, c’est celle-ci qui pêche un peu. Je ne dirais pas qu’il y a un sujet ou des sujets en particulier qui dérangent le plus les politiciens. Je pense que les politiciens sont assez libres en réalité. Maintenant, ce qu’on pourrait reprocher à certains politiques, il y a des politiques de grande qualité, mais dans le personnel politique aussi, ce qu’on a dénoté, souvent, il y a des politiciens qui ne sont pas au niveau. Parfois, ils renvoient l’image d’un électorat, les partis politiques les présentent parce que ça renvoie peut-être à une communauté, et moins à ce qu’il
propose de sur le fond. Et il faut le dire, souvent, il y a des politiciens qui sont très creux. Quand on pose des questions qui vont un peu plus sur le fond des sujets, on voit vite les limites.
E.L : Quand vous dites que vous avez des politiciens qui sont très creux, vous pouvez donner un exemple ?
T.V : Le but, ce n’est pas de donner des exemples, nous ce qui nous intéresse, ce n’est pas de cibler une personne en particulier, c’est le phénomène qui est intéressant. Parce qu’il y a des personnes d’une immense qualité que nous avons rencontré, on a été agréablement surpris. Je peux donner l’exemple de Charles Goerens. On peut être d’accord ou ne pas être d’accord sur les sujets. Quand on discute avec lui, on constate la connaissance et les convictions. Pour
donner un exemple à gauche, Tilly Metz, c’est exactement la même chose. Souvent, on reproche aux écologistes d’être idéologues. Nous avons constaté le contraire. François Bausch est aussi un politique de qualité avec vision. Il y a sûrement aussi une question générationnelle.
E.L : Les partis ont des sections jeunes. Est-ce que ces personnes, qui représentent la génération à venir, qui sera un jour au pouvoir, parlent-elles vraiment aux autres jeunes ?
T.V : Il y a deux questions qui se posent par rapport à ça. La première chose, c’est la question des partis politiques. Les partis politiques créent du sectarisme. Un parti politique, c’est aussi une entreprise politique. Les jeunes, quand ils s’engagent en politique, ils n’ont pas tellement intérêt à aller vers les autres jeunes, mais surtout à se construire un avenir vis-à-vis des autres politiques pour se préparer un avenir. Il y a cette question-là.
La deuxième question qui est sous-entendue. Quel est l’ancrage de ces personnalités jeunes au Luxembourg ? Il pourrait être plus important.
E.L : Pourquoi l’ancrage devrait-il être plus important ?
T.V : Parce que je pense que la jeunesse luxembourgeoise et plus largement européenne a quelque chose à dire de cette période qui va être déterminante pour les décennies à venir, j’en suis persuadé.
Le flambeau approche et la jeunesse se doit aussi d’être au niveau car les défis sont immenses.
Si on ressort du prisme luxembourgeois, et on parlait de Donald Trump, Donald Trump c’est aussi l’expression géopolitique de l’Empire américain, l’Empire américain qui est de retour. On voit la même chose avec la Chine, on voit la même chose avec la Turquie.
L’Europe doit s’affirmer. Et donc pour que les Européens s’affirment, il faut des gens de compétence, et donc les politiques, les jeunes politiques, doivent savoir s’affirmer et être à la hauteur de la situation.
E.L : Un peu plus tôt dans notre discussion, vous avez parlé des conférences, comment vous vous organisez entre la tenue de celles-ci et le site ?
T.V : Nous avons une partie de l’équipe qui travaille sur ce qu’on appelle « la presse écrite » (NDLR : le site internet), la rédaction d’articles, le fait aussi de faire des entretiens, comme notamment dernièrement, avec un entretien sur l’élection américaine, avec Charles Goerens, Tilly Metz et Fernand Kartheiser. Il y a aussi une équipe qui s’occupe de la création de contenus pour les réseaux sociaux. Puis après, il y a des personnes qui sont plus centrées la production que ce
soit d’entretiens, et aussi l’organisation des événements, la production technique. Après c’est complémentaire, une conférence, ça reste du traitement de l’actualité, la différence ce sont les moyens. Il faut mobiliser plus de personnes, on a un réseau. Il y a également la manière dont on retransmet cela techniquement ce n’est pas la même chose, mais globalement ça reste la même veine.
E.L : Allez-vous organiser d’autres conférences ?
T.V : Oui, nous n’avons pas encore de nom à citer. Nous avons une belle collaboration avec le directeur de l’école européenne du Kirchberg qui avait apprécié, et nous aussi nous l’avons apprécié, le fait qu’on ait pu faire cette conférence sur les enjeux ou la relation franco-luxembourgeoise en novembre . Nous en ferons très prochainement. Nous aborderons la question de l’Unioneuropéenne, de la compétitivité économique notamment, et on pense à Mario Draghi, donc nous
l’invitons.
E.L : « l’Evènement » a-t-il vocation à devenir pérenne ?
T.V : C’est tout l’objectif qu’une association succède à son ou ses fondateurs, une fois que le concept est assez puissant pour que d’autres reprennent le flambeau. C’est difficile de gérer un média, ça prend énormément de temps. C’est plus facile pour nous parce que nous sommes tous des étudiants. Le financement d’un média est aussi une question. A la longue, il faut aussi qu’il soit suffisamment financé pour qu’on puisse continuer. Notre objectif principal, c’est de devenir un média à part entière, qui ait une place dans le paysage médiatique luxembourgeois. Pendant l’assemblée générale de janvier, nous allons restructurer, faire de grands choix sur nos
orientations.
E.L : Cela veut dire que vous fonctionnez comme une asbl ?
T.V : Oui, Nous fonctionnons comme une asbl. Nous avons reçu des financements de l’Union européenne. Pour garder notre indépendance, nous allons développer un système de dons. Les entreprises ont du mal à investir dans tout ce qui touche de près ou de loin à la politique. C’est une vraie question : est-ce que les médias ont vocation à être financés par le gouvernement, par des subventions? Je ne fais aucun reproche au gouvernement particulièrement. C’est sûr que ça pose question. Par rapport à cette approche, on veut voir comment est-ce qu’on peut trouver un équilibre sachant que c’est difficile.
L’un des objectifs, c’est que l’on veut s’implanter à l’Université du Luxembourg. C’est un réservoir non négligeable de jeunes. On va créer une section juridique qui va servir pour que l’Evènement soit alimenté depuis l’Université. Et aussi sur la question des conférences car l’Uni est un endroit de débat. Si on veut amener le débat au Luxembourg et parler aux jeunes également. C’est le lieu propice.
E.L : Vous parlez des jeunes et de l’Université. Il y en a beaucoup qui ne peuvent pas faire d’études, qui vont vers d’autres cursus. Est-ce que vous y pensez aussi ?
T.V : La question qu’on se pose par rapport à ça, c’est celle des langues. C’est le défaut que l’on a. Les statistiques sur les réseaux sociaux nous montrent d’où viennent les personnes qui nous regardent. Grandement, c’est un public francophone qui vient de Luxembourg-Ville et d’Esch-sur-Alzette. Maintenant, un enjeu qui se pose : comment est-ce qu’on fait pour toucher plus largement le reste du Luxembourg. On a vu qu’on a eu une petite influence dans les milieux politiques, ils nous connaissent un peu. Les milieux francophones nous connaissent aussi un peu.
Les milieux luxembourgeois, bien moins, c’est aussi l’objectif, voir comment on peut faire tout cela. Nous avons une personne dans l’équipe qui écrit en luxembourgeois. Pour représenter les gens, il faut aussi parler leur langue. Le Luxembourgeois qu’on veut mettre aussi en valeur. Les formats sur le site et sur les réseaux sociaux vont aussi se développer.
E.L : Est-ce que vous pensez aussi intégrer l’Allemand et le Portugais ?
T.V : La chance que l’on a, c’est que nous avons des personnes qui viennent de partout dans le monde donc il y a plein de langues qui peuvent être mobilisées. On a des personnes qui parlent l’Arabe littéraire dans l’équipe. Pour le Luxembourg, c’est un effort immense de se diversifier dans plusieurs langues, on reste concentrés sur le Français, le Luxembourgeois et dans une certaine mesure sur l’Anglais. Pour le Portugais, on toucherait des communautés en particulier.
E.L : Qui ont quand même une certaine importance…
T.V : Oui. On peut aussi promouvoir les langues officielles, le luxembourgeois, les langues les plus usuelles à Luxembourg le Français et l’Anglais.
E.L : Quels sont les principaux projets pour 2025 ?
T.V : Nous allons faire une série d’entretiens avec des politiques luxembourgeois sur l’Europe. On avait déjà interrogé Jean-Claude Juncker. On veut exporter ce format et toucher des personnalités politiques ailleurs en Europe. On pense à des personnalités politiques en Lituanie pour qu’on puisse entendre ce que les autres pays ont à dire par rapport à l’Europe, notamment à l’Europe de l’Est. A ce titre, on va aussi interviewer des politiques français. On espère interviewer Emmanuel Macron. Si nous l’avons face à nous, face à nous, ce serait une consécration pour notre média. C’est aussi l’occasion de lui poser les vraies questions sur l’Europe bien qu’il ait un
prisme très européen. Il a fait avancer sur les idées la question de l’Europe de la défense, qui me paraît fondamentale. Ce que je pourrais dire, c’est qu’il y a eu beaucoup de discours mais très peu d’actes. Ce serait l’occasion de discuter concrètement de l’avancée de cette Europe.
E.L : Vous dites poser les vraies questions sur l’Europe, cela veut-il dire que les vraies questions n’ont jamais été posées ?
T.V : Je pense que la majorité des journalistes sont de très grande qualité et qui posent les questions. Une des contraintes des journalistes, c’est qu’ils doivent suivre le flux de l’actualité, ils ont des objectifs d’audience et cela les éloigne des problématiques qui sont importantes. Une question dont on ne parle pas au Luxembourg et en Europe, c’est celle de la démographie. Les peuples européens vont vieillir, cela va créer des tensions au niveau des systèmes de santé, les
coûts vont exploser. Cela pose la question politique de la réforme des retraites, celle de la place des jeunes de la société. Cela pose aussi la question de l’immigration. Certains partis veulent réduire drastiquement l’immigration en Europe même aussi ici au Luxembourg. C’est une question qui est très peu posée dans ces termes-là. Les retraites, le vieillissement, c’est tout un ensemble. Derrière tout ce dont on parle c’est l’impact économique, la puissance, la place de l’Europe dans le monde.
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